Société des douze

La Société des douze est une association savante, littéraire et gastronomique qui tenait ses séances à Bruxelles.

Les XII selon Libry-Bagnano.

Libry-Bagnano, ex-bagnard, folliculaire, mouchard, aventurier et agent à la solde du gouvernement, donne la description suivante des XII ainsi qu'une liste qui diverge quant aux noms : « Il existait, comme chacun sait, à Bruxelles une réunion de douze individus, que je ferai connaître tout à l’heure, réunion que le spirituel Froment avait surnommée la société d’adoration mutuelle, et qui s’assemblait tous les jeudis. Comme ces hommes voulaient en tout singer les Français, cette coterie de mauvais sujets, de mauvais citoyens et de piètres écrivains, représentait, pour Bruxelles, ce que l'on nommait le comité directeur à Paris. C’est là que se fesaient (sic) et que se defesaient (sic) les réputations en Belgique : c’est là que l’on décrétait chaque semaine la part de louange et de calomnie qui serait consignée dans les journaux dont cette clique disposait : c’est là que l’on décidait que Lesbroussart serait un grand poëte, Van de Weyer un grand philosophe, de Potter un grand publiciste, en attendant le jour où l’on en ferait un grand citoyen pétri de la boue des barricades. Voici au surplus le nom des douze dont se composait cette réunion. Le professeur Baron, (français) ; le baron Beytz, ancien magistrat ; l’avocat Donker ; l’avocat Gendebien, fils ; le professeur Lesbroussart ; Louis De Potter ; l’avocat Plaisant ; le notaire Thomas, fils ; l’avocat Tielemans, depuis référendaire ; Edouard Smits, employé au ministère de l’intérieur ; Van de Weyer bibliothécaire du roi et de la ville. J’ai oublié le nom du douzième, et j’ai dans l’idée que Ducpétiaux et Levae y avaient été admis en remplacement de Tielemans absent et je ne sais plus de quel autre. Ces hommes atroces ont acquis en Europe une célébrité trop déplorable, pour que j’aie le moindre besoin d’en dire ici davantage sur leur compte ». (Libry-Bagnano, Les crimes d’un honnête homme, La Haye, 1832, p. 180).

Auguste Baron, membre fondateur de la première "Société des douze".
Louis de Potter, membre fondateur de la première "Société des douze".
Le philosophe Louis Gruyer, membre fondateur de la première "Société des douze".
Lucien Jottrand, membre fondateur de la première "Société des douze".
Le peintre Joseph-Denis Odevaere, membre fondateur de la première "Société des douze".
Adolphe Quetelet, membre fondateur de la première "Société des douze".
Sylvain Van de Weyer, membre fondateur de la première "Société des douze".

La première Société des douze

La Société de littérature de Bruxelles, fondée le 20 nivôse an VIII (), comptait notamment parmi ses membres le baron de Stassart, fabuliste et moraliste, le poète Lesbroussart et le géographe Louis-Dieudonné Dewez, qui en était le secrétaire. La Société de littérature, mal notée par le gouvernement du royaume uni des Pays-Bas et en proie à des querelles intestines, disparaît en 1823.

Certains de ses membres continuèrent à se réunir dans le salon du poète Philippe Lesbroussart et fondèrent[1] la même année 1823 la Société des douze[n. 1].

En 1825, quand la Grèce se souleva, les XII formèrent en Belgique un Comité hellènique[2].La réponse de Libry-Bagnano fut immédiate. Il fit paraître, sous le pseudonyme de Linny Babagor, sa Réponse d'un Turc à la note du Vicomte de Chateaubriand, membre de la Société en faveur des Grecs, livre de l'Imprimerie M. Hayez, Dépôt de la Librairie Baud(o)uin Frères à Bruxelles.

Les douze membres fondateurs en 1824

La liste qui suit est celle que donne en 1855 Quetelet[3], membre fondateur.

  1. Auguste Baron
  2. Philippe Doncker[4], avocat, auteur politique, fondateur du périodique L'Observateur.
  3. Louis de Potter[5]
  4. Auguste Drapiez[6]
  5. Louis Gruyer[7]
  6. Lucien Jottrand[8]
  7. Philippe Lesbroussart
  8. Joseph-Denis Odevaere
  9. Adolphe Quetelet
  10. Édouard Smits[9]
  11. Jean-François Tielemans
  12. Sylvain Van de Weyer[10]

Libry-Bagnano, folliculaire et aventurier qui avait déjà tâté des galères pour diverses escroqueries, donne dès 1832 une liste, mais qui, vu le parcours de l'auteur qui essaye peut-être de discréditer ses ennemis, est moins crédible que celle de 1855 de Quetelet. Il ajoute les noms de François Joseph Beyts, de l'avocat Gendebien, fils, d'Isidore Plaisant, du notaire Thomas, fils, ainsi que d'Édouard Ducpétiaux, en remplacement de Tielemans, et d'Adolphe Levae en remplacement d'un autre.

Gustave Charlier, dans une étude de 1948 publiée par l'Académie royale de Belgique, ajoute le nom de Marcellin Jobard[11], mais il n'indique pas sa source, il est possible qu'il s'agisse d'une confusion Jobard/Jottrand.

Ses activités

Dès son origine, d'importantes personnalités en firent partie. Le mystère[12] dont cette société s'entourait avait dès le début attiré la suspicion de la presse[13] et du gouvernement de Guillaume Ier.

Sa dissolution

Cette première Société des douze fondée sous le règne de Guillaume Ier s'est dispersée[14] vers 1830, lorsque l'alliance des libéraux et des catholiques contre le gouvernement de Guillaume Ier se fut un peu consolidée, et que l'on commença à prévoir la lutte.

Toutefois son esprit n'était pas mort et en 1834 une nouvelle génération, belge cette fois-ci, l'a remise sur pied.

La nouvelle Société des douze

Auguste van Dievoet, membre fondateur de la nouvelle Société des douze.
Jules Anspach, membre fondateur de la nouvelle Société des douze.
Auguste Orts, membre fondateur de la nouvelle Société des douze.
Jean-Baptiste Van Mons, membre fondateur de la nouvelle Société des douze.

Cette seconde Société des douze, fut fondée en 1834 dans l'esprit de la première, par la nouvelle génération qui allait lui redonner vie. Si la première Société des douze était principalement composée de savants et d'intellectuels actifs dans l'opposition au gouvernement de Guillaume Ier, les membres appartenant à cette nouvelle société étaient presque exclusivement issus du monde de la magistrature, du barreau de cassation et des édiles bruxellois[15].

Cette Société, où les charmes de la table s'associent aux joies de l'esprit, n'a qu'une existence de fait et ne possède pas de statuts officiels. La Société des douze se perpétue toujours par cooptation de candidats figurant sur une longue liste d'attente, tant l'appartenance à cette Société a conservé une aura prestigieuse. Après le décès d'un membre celui-ci est ainsi aussitôt remplacé.

Liste des fondateurs en 1834 de la nouvelle "Société des douze"

Une brochure[16] éditée pour le cinquantenaire de la Société des douze liste les nouveaux fondateurs de cette société, ainsi que leur année de décès, date à laquelle ils étaient remplacés par les candidats en attente :

  • Van Damme : mort en 1850 (date de décès)
  • P. De Cuyper : 1849. Est-il apparenté à A.A De Cuyper, né en 1800, conseiller à la Cour de cassation, officier de l'ordre de Léopold le [17], mort en 1849.
  • Delporte cadet. Un Delporte était responsable au "Musée, à l'ancienne cour" du Cabinet de physique et galeries d'histoire naturelle[18], mort en 1839.
  • Vandevelde, mort en 1872.
  • François Joseph Verhaegen (né à Bruxelles le et mort dans sa ville natale le ), docteur en droit de l'Université d'État de Louvain, jurisconsulte et avocat à la Cour de cassation, mort en 1848. François Joseph Verhaegen, est le frère de Théodore Verhaegen, fondateur de l'Université libre de Bruxelles.
  • Jean-Baptiste Van Mons, pharmacien, chimiste, botaniste, agronome, pomologue, professeur de physique et de chimie à l'École centrale de Bruxelles et à l'Université d'État de Louvain, mort en 1842.
  • Théodore Van Mons, né à Bruxelles le , mort à Schaerbeek[19] le , président de la haute cour militaire, conseiller à la Cour d'appel de Bruxelles et un des 40 fondateurs - à Bruxelles - (avec l'avocat T. Pardon de Tirlemont) du Club révolutionnaire la Réunion centrale[20] et décoré de la croix de fer (Belgique)[21], fils du savant Jean-Baptiste Van Mons, qui précède, mort en 1870.
  • Heernu. H. (ou F.) Heernu, né à Bruxelles le , directeur de la Caisse hypothécaire, administrateur de la Banque de Belgique et de la Société d'assurances l'Union belge, mort en 1859.
  • Delporte mort en 1867
  • Van Parys, mort en 1858. Pourrait être Jean-Édouard Van Parys[22], avocat, membre en 1848 de la députation permanente du conseil provincial du Brabant, ancien substitut du procureur du Roi près le tribunal de première instance de Bruxelles. En 1852, il fait partie de la députation permanente du Brabant. Membre de la loge des « Amis Philanthropes », demeurant en 1837 Marché-aux-Charbon no 63. Chevalier de l'ordre de Léopold pour ses 20 ans de dévouement.
  • Louis Ranwet né à Bruxelles le , y décédé le , après avoir étudié le droit à l'Université d'État de Louvain devient un avocat réputé, entre dans la magistrature comme juge au tribunal de première instance de Bruxelles, dont il devient vice-président le , conseiller à la cour d'appel le , puis le , il fut élevé à la présidence d'une chambre. IL est un des fondateurs du journal L'Indépendant qui s'appellera par la suite L'Indépendance belge, fut colonel de la 4e légion de la garde civique de 1848 à 1867 et président de la Société royale de la Grande Harmonie.
  • Auguste Van Dievoet (Bruxelles, - Bruxelles, ), docteur en droit de l'Université d'État de Louvain, historien du droit, jurisconsulte et avocat à la Cour de cassation, magistrat, juge suppléant au tribunal de première instance de Bruxelles, membre du conseil de l’ordre des avocats de 1838 à 1848, membre du Conseil de Discipline des avocats près la Cour de cassation, membre du conseil supérieur de l'"École centrale du commerce et de l'industrie"[23], de la "Société pour la propagation des bons livres"[24], créateur en 1842 de la bibliothèque du barreau de Bruxelles, époux d'Antoinette Coniart (1819-1885). Il est le père de Jules Van Dievoet (1844-1917), également avocat à la Cour de Cassation, et époux de Marguerite Anspach (1852-1934), fille de Jules Anspach bourgmestre de Bruxelles et membre lui aussi de la Société des douze.

Vie de la Société

En vertu d'une décision prise le , chaque membre, sous peine d'amende, devait composer quelques vers, tout au moins un quatrain, pour les prochaines agapes[25]. C'est ainsi que pour le 248e banquet du huit membres seulement s'exécutèrent[26], Charles Faider, Théodore Pardon (1808-1890), Conseiller à la Cour de Cassation, l'avocat Henri-Edouard Lavallée[27], Auguste Orts, Eugène Anspach, Picard (Albert ou Edmond ?)[28]Émile De Mot et Jules Anspach, admis le .

Anspach ne s'était pas contenté d'un seul quatrain et avait composé un poème qui en contenait onze et qui commençait ainsi :

Ma foi ! l'ordonnance est formelle !
Il faut quatre vers ou sinon
Payer une amende nouvelle !
Mon choix est fait ; viens Apollon !

Les quatre autres offrirent comme amende une bouteille de champagne Roederer.

Le fait que cette nouvelle « Société des Douze » n'ait jamais eu de statut officiel, qu'elle se recrutait par cooptation dans un milieu étroit et que les membres se réunissaient l'un chez l'autre hors des projecteurs, rend difficile d'en rédiger l'histoire.

Cette société existait encore en 1884, date où elle célébrait son cinquantième anniversaire et en espérait encore d'autres. Elle a sans doute continué d'exister encore après cette date, mais à défaut de documents archivistiques ultérieurs (brochures, menus, narrations contemporaines), il n'est pas possible de suivre son évolution et de connaître la suite de son existence et de son destin.

Notes

Références

Bibliographie chronologique

Il y dévoile une liste de onze membres et signale l'existence de remplacements en cas d'absence.
  • Adolphe Quetelet, Notice sur Philippe Lesbroussart, membre de l'Académie, 1855, p. 14
  • Lucien Jottrand, Louis de Potter, Librairie polytechnique d'Auguste Decq, Bruxelles 1860.
  • Eugène Van Bemmel, « Louis De Potter », dans : Revue trimestrielle, volume 27, Bruxelles, , p. 36
  • Alphonse Le Roy, Liber memoralis : L'Université de Liège depuis sa fondation, 1869, p. 410
  • Édouard Mailly, Essai sur la vie et les ouvrages de Lambert-Adolphe-Jacques Quetelet, Annuaire de l'Académie royale de Belgique, 1875, p. 290, note 15
  • Annales gastronomiques, bachiques et littéraires, « éditées pour le cinquantenaire de la Société des douze et imprimées par les soins du secrétaire [des XII] », 1884
  • Édouard Mailly, La Société de Littérature de Bruxelles : 1800-1823, Bruxelles, Mémoires couronnés et autres mémoires de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, XLI, 1888
  • Fritz Masoin, Histoire de la littérature française en Belgique, de 1815 à 1830, Bruxelles, 1902, p. 42 (liste de membres de la "Société des douze")
  • Louis Verniers, Bruxelles esquisse historique, Bruxelles : Maison d'Édition A. De Boeck, 1941.
  • Jules Garsou, Jules Anspach. Bourgmestre et transformateur de Bruxelles (1829-1879), Bruxelles, 1942, p. 99-100
  • Gustave Charlier, Le mouvement romantique en Belgique (1815-1830), tome I, La bataille romantique, Mémoires de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, tome XVII, Bruxelles, 1948, p. 18-24
  • Roland Mortier, Les sociétés littéraires, dans: Histoire illustrée des lettres françaises de Belgique, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1948, p. 235-236
  • Louis Verniers, Un millénaire d'histoire de Bruxelles, Bruxelles, 1965, p. 568
  • Liliane Wellens-De Donder, « Lettre de A. Quetelet à Lecocq, secrétaire perpétuel de la Société de littérature de Bruxelles. Gand, le  », dans: Adolphe Quetelet 1796-1974, exposition documentaire présentée à la Bibliothèque royale Albert Ier à l'occasion du centenaire de la mort d'Adolphe Quetelet, Bruxelles, Palais des Académies, 1974, p. 95
  • Paul Delsemme, Les écrivains francs-maçons de Belgique, Bruxelles : Bibliothèques de l'ULB, 2004.
  • Marie-Rose Thielemans, Goswin, baron de Stassart, 1780-1854, Politique et Franc-maçonnerie, Académie royale de Belgique, Classe des Lettres, Bruxelles, 2008, page 261.
  • Nicolas de Potter et René Dalemans, Louis de Potter. Révolutionnaire belge de 1830, postface de Francis Balace, Bruxelles : Couleur livres, 2011, p. 28 (ISBN 978-2-87003-580-1).

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