Béké

blanc créole descendant des premiers colons antilles françaises

Aux Antilles françaises, un béké est un blanc créole descendant des premiers colons. Ce terme concerne principalement les descendants originaires de Martinique mais aussi ceux de Guadeloupe[1],[2].

En Martinique, les békés constituent un peu moins d'un pour cent de la population, soit environ 3 000 personnes[3].

En Guadeloupe, en langue créole, on parle aussi de « Blancs-péyi » (Blancs-pays)[4], bien que ce terme soit plus large puisqu'il peut aussi désigner des individus blancs nés et élevés sur l’île mais dont la famille n'est pas présente depuis l'époque coloniale.

Un grand nombre des colons grands propriétaires terriens de Guadeloupe a fui ou a été condamné à mort lors de la Révolution française et à la suite de la première abolition de l'esclavage en 1794. Par conséquent, les békés actuels de Guadeloupe sont tous originaires de Martinique, où ils ont généralement toujours des liens familiaux ou des intérêts économiques.

Le terme « béké » est parfois également employé comme adjectif.

Étymologie

Il semble que le mot soit d'origine igbo (Nigeria), langue dans laquelle il désigne un Blanc[5].

Selon une autre hypothèse, le mot béké viendrait de la langue ashanti, m’béké signifiant « homme détenant le pouvoir »[6].

Origines de la communauté békée

Les békés descendent des Européens arrivés au début de la colonisation, par exemple les engagés ou « 36 mois » (nom qui correspond à la durée de leur contrat avec leur maître)[7]. À la fin de ce contrat le maître leur donnait en nature 300 livres de pétun. Ce pécule leur permettait soit de payer leur voyage de retour soit d'acquérir les outils nécessaires pour défricher une concession à leur propre compte[8]. Cependant, une grande partie de cette main-d'œuvre mourait avant l'échéance des 3 ans [9]. Ces pauvres ou modestes gens, soldats, artisans ou travailleurs européens sont venus très tôt aux Antilles françaises, avant même, pour certains, l'arrivée massive des esclaves africains.

Outre ces ouvriers, des négociants et des membres de familles de la noblesse ont également immigré, pour ces derniers en général des cadets de famille. En Martinique, seules 28 familles béké sur 209 environ ont une origine noble (soit environ 13 %)[10]; ce taux est toutefois sans doute sous-estimé à cause du manque d'archives[11]. De plus, il faut préciser que Louis XIV acceptait d’anoblir les planteurs détenant plus de cent esclaves[12].

Métissés ou non avec la population d'origine africaine, les békés pauvres furent parfois, dans un premier temps, rejetés par les riches propriétaires békés. Toutefois, certaines de ces plus anciennes familles de la Martinique ayant réussi dans les affaires ont été anoblies sous Louis XV, comme ce fut le cas pour Jean Assier (1688-1771)[13].

Il existe encore des békés de classe modeste ou pauvre, qui furent appelés en Martinique « békés griyav », soit « békés goyave », car certains d'entre eux étaient affectés à la récolte de la goyave et résidaient sur ces plantations.

Les Blancs créoles sont majoritairement d'origine française même si on y trouve aussi des descendants de ressortissants hollandais ou anglais notamment. Dans une grande majorité catholiques, ils pouvaient également être de confession protestante ou juive. En effet certains ont été chassés du Brésil et amenèrent la culture de la canne à sucre[14].

Histoire

En Martinique

Les premiers Blancs arrivent à la Martinique dès la fin du XVIIe siècle, obtiennent du roi de France la concession de terres et se lancent dans la culture de la canne à sucre ; sociologiquement, il s'agit de cadets de familles nobles ou de la bourgeoisie désargentés ainsi que d'aventuriers ; ils sont appelés békés, c'est-à-dire européens installés aux Antilles ; les esclaves transportés depuis l'Afrique arrivent en même temps, ainsi que les engagés ; ceux-ci sont des métropolitains qui s'engagent au service d'un Blanc, pour une durée donnée, en échange du paiement des frais du voyage.

En 1793 ils signent Le traité de Whitehall avec les Britanniques qui place l’île sous domination anglaise et y maintient l'esclavage après la signature du décret d'abolition de l'esclavage du 4 février 1794 par la république française.

En Guadeloupe

En Guadeloupe, les « Blancs Péyi » (Blancs-Pays), ont une histoire différente de la Martinique. Contrairement à cette dernière qui était sous occupation anglaise, la Guadeloupe a connu la Révolution française et surtout la première abolition de l'esclavage en 1794. C'est dans ce contexte de guerre contre les troupes britanniques, et pour éviter que des colons ne livrent l'île aux Anglais pour rétablir les privilèges et l'esclavage, que la quasi-totalité des grands propriétaires terriens (les grands planteurs) de l'île a été guillotinée par les troupes révolutionnaires amenées par Victor Hugues (commissaire de la Convention)[15]. Les rares survivants se sont enfuis dans les îles alentour. Les descendants des colons guadeloupéens n'ayant pas été exécutés (petits planteurs, marins, commerçants, militaires…) sont appelés « Blancs-Pays ». Par la suite, progressivement, quelques békés de la Martinique s’installèrent en Guadeloupe tout en conservant étroitement leurs liens avec leurs familles d'origine. En Guadeloupe, ils constituent 1% de la population, aux Antilles ils détiennent 40% de l'économie[16].

Situation sociale

En Martinique en 2009, les békés représenteraient environ 3 000 personnes pour environ 400 000 habitants[3]. Dans le passé, le groupe était lui-même très hiérarchisé en fonction du nom, de la fortune et du niveau d'éducation[17].

Les grandes familles sont les Hayot (famille d'origine normande arrivée à la Martinique à la fin du XVIIe siècle, propriétaire du Groupe Bernard Hayot, dont le dirigeant Bernard Hayot est la plus grande fortune des Antilles françaises[3], et 275e fortune de France[18]), les Huyghues Despointes (famille d'origine protestante qui a ses racines dans le nord de la France, arrivée au XVIIe siècle[19], aujourd'hui propriétaire des principales usines de produits alimentaires[3]), les Fabre, les Duchamp, les Assier de Pompignan (l'une des plus anciennes familles de békés de la Martinique – trois siècles après l'arrivée de son ancêtre Jean, on dénombre 300 de ses descendants directs sur l'île), les Plissoneau, les Dorn, les Reynal de Saint-Michel, les Lucy de Fossarieu, Vivies, Loret, Barbotteau ou encore les Aubéry[20].

Dans les années 1990, les békés contrôlent 29,2 % des entreprises de plus de vingt salariés de Martinique et 16,5 % des entreprises de plus de dix salariés en Guadeloupe[21]. En 2009, selon les estimations citées par Libération, « les statistiques ethniques étant interdites » en France, les Békés sont estimés à moins de 1 % de la population, mais sont très présents dans la filière agroalimentaire qu’ils détiendraient à 90 %, et détiendraient aussi 50 % des terres[22].

Toutefois, beaucoup de descendants de familles békés aux Antilles, en Martinique comme en Guadeloupe, n'ont pas un niveau social élevé. Directeur d'un club de fitness à Pointe-à-Pitre, Robert Lignières assure : « Aujourd'hui, nous comptons parmi les békés de Guadeloupe beaucoup plus d'employés, de RMIstes et de dirigeants de petites entreprises que de grands patrons »[23][source insuffisante]

Personnalités békées

Des listes de patronymes dits békés sont reprises dans certains ouvrages. À la fin des années 1960, l'ethnologue Édith Kováts-Beaudoux recense 150 familles[24]. En 2002, le généalogiste béké Eugène Bruneau-Latouche « présente dans l'ordre alphabétique deux cent neuf familles subsistantes, vivant de par le monde et issues d'une origine créole martiniquaise antérieure à 1901 » en intégrant des familles qui ne sont donc plus toutes représentées à la Martinique : Cacqueray de Valménier, Cornette de Saint-Cyr, Dampierre, Jorna, Lafaye de Guerre, Tascher de La Pagerie, etc.[25].

Guadeloupe

Martinique

Les "209 familles"

Ce tableau répertorie exclusivement les familles d'origine européenne établies à la Martinique depuis les débuts de la colonisation.Pour chaque famille sont précisés le pays ou la province française d'origine (parfois différent du lieu de naissance ou de résidence du premier colon), la date d'arrivée à la Martinique, l'activité professionnelle du premier colon avant son établissement à la Martinique ainsi que celles de son père et de son grand-père paternel.

Peu de familles békées sont d'origine noble, « la plupart des colons anoblis l’ont été sur place, au XVIIIe siècle, pour services rendus au royaume »[30].

Contrairement aux légendes véhiculées, plus rares encore sont les familles actuellement subsistantes qui descendaient en ligne indirecte des rois de France avant leur arrivée sur l'île. Il n'y en a que neuf : Bernard de Feyssal (de), Chancel de La Grange, Dampierre (de), Fabrique Saint-Tours (de), Froidefond des Farges (de), Louveau de La Guigneraye, Percin (de), Prévost de Sansac de Traversay et Tascher de La Pagerie (de).

Beaucoup de familles békées aujourd'hui très en vue ont des origines très modestes voire inconnues.Au sein d'une même famille, les situations socio-culturelles actuelles sont cependant très diverses entre les différentes branches.Un grand nombre de familles reprises dans cette liste ont des branches békées et métisses. Parmi ces dernières, il s'agit le plus souvent de descendances illégitimes, reconnues ou non, généralement en ligne féminine, plus rarement en ligne masculine.

PATRONYMEORIGINEDATE D'ARRIVEEACTIVITE
#actuellement portéavant l'arrivéepremier arrivantà la Martiniquepionnier avant son arrivéepèregrand-père
1ALBERT
2ARIÈS
3ARTUR du PLESSIS
4ASSELIN
5ASSIER de POMPIGNANASSIERBas-Languedoc1710?marchand-tapissier?
6AUBÉRYAUBERYProvence1809?négociantnégociant
7AUBIN de BLANPRÉ
8AUDEBERT
9BALLY
10BAUDIN
11BAYARDELLE
12BEAUFRAND
13BELLAY
14BERGASSE
15BERNARD de FEISSAL (de), BERNARD de FEYSSAL (de)
16BERNUS
17BERTÉ
18BEUZELIN
19BILLIOTI de GAGE
20BIROT
21BLONDEL LA ROUGERY
22BON SAINT CÔME
23BORDAZ
24BORDE
25BOREL
26BOULLANGER
27BOURDILLON
28BRUNEAU-LATOUCHE , LATOUCHE
29BUVAT de VIRGINYBUVATIle-de-France1727notaire royal ?écrivain Bibliothèque du Roi?
30CACQUERAY de VALMÉNIER (de)
31CAMINADE
32CAMOUILLY
33CARREAU GASCHEREAU
34CASSIUS de LINVAL
35CATALOGNE (de)
36CHANCEL de LA GRANGE
37CHASTANET
38CHATENAY
39CHAXEL (du)
40CHÉNEAUX , CHÉNEAUX de LEYRITZ
41CHOMEREAU LAMOTTE
42CLARAC
43CLAUZEL
44CLERC
45CLÉRET de LANGAVANT
46COOLS (de)
47COPPENS (de)
48COQUELIN de LISLE
49CORNETTE (de SAINT-CYR et de VENANCOURT)
50CORNIBERT du BOULAY
51COTTRELL
52CRASSOUS, CRASSOUS de MÉDEUIL
53CROCQUET
54CROSNIER de BRIANT
55DAMPIERRE (de)
56DANEY de MARCILLAC
57DARTIGUENAVE
58DELEUZE , LEUZE (de)
59DELSUC
60DEPAZ
61DESMÉ
62DEVAUX
63DIZAC
64DOMERGUE
65DORMOY
66DORNDORNAllemagne1793???
67DUCHAMP de CHASTAIGNÉ
68DUCLOS
69DUCOUDRAY
70DUJON
71DULIEU
72DUMORET
73DUPLAN
74DUPONT
75DUPUY , DUPUY-ROUDEL
76DURAND de LA VILLEJÉGU du FRESNAYDURANDBretagnevers 1747négociant ?notaire royal?
77DURIEU , DURIEU de LEYRITZ
78ERNOULT
79ESPINOSE de LACAILLERIE (d’)
80FABREFABREProvencevers 1814négociantnégociant?
81FABRIQUE SAINT-TOURS (de)FABRIQUE (de)Bas-Languedoc1750officierjuge seigneurialofficier
82FORTIER
83FROIDEFOND des FARGES (de)
84GAIGNARD
85GAIGNERON de MAROLLES, GAIGNERON MORIN
86GAILLARD de LAUBENQUE (de)
87GALLET de SAINT-AURIN
88GARAUD , GARAUD-RÉGUILLET
89GARCIN , AGIS GARCIN
90GARDIÉ
91GARNIER LAROCHE
92GARNY de LA RIVIÈRE
93GASQUET
94GENTILE (de)
95GERMON (de)
96GONNIER
97GOSSELIN
98GOUYÉ, GOUYÉ MARTIGNAC, GOUYERGOUYERBretagne1664???
99GRAËVE
100GRAMBIN
101GRILHAULT des FONTAINES
102GROS-DUBOIS
103GUAVÉIA
104GUÉRIN du QUESNE
105GUYOT
106HARDY
107HAYOTHAYOTNormandievers 1684???
108HERVÉ, HERVÉ MARRAUD de SIGALONY
109HUC
110HURAULT de GONDRECOURT de LIGNY
111HUYGHUES DESPOINTESHUYGHUESHollande1679négociant ???
112IGOUT
113JAHAM (de), JAHAM DESRIVAUXJAHAMPoitouavant 1644???
114JORNA (de)
115JOUANNEAU COURVILLE
116JOUYE de GRANDMAISON
117JOYAU
118LACOSTE (de)
119LAFAYE de GUERRE (de)
120LAFOSSE-MARIN
121LAGARRIGUE de MEILLACLAGARRIGUE (de)Béarn1787?marchand?
122LAGUARIGUE de SURVILLIERS (de)LAGUARIGUE (de)Champagne1690officier ???
123LA HOUSSAYE
124LALAURETTE
125LALUNG BONNAIRE
126LANES
127LANGELLIER BELLEVUE
128LAPOUJADE
129LA ROCHE (de)
130LAVIGNE SAINTE-SUZANNE (de)LAVIGNE (de)Maine1656avocatjuge seigneurial?
131LAWLESS
132LEBLANC MORINIÈRE
133LE CAMUS
134LE CURIEUX (BELFOND, DURIVAL et LAFAYETTE)
135LEFEBVRE
136LEJEUNE
137LE MASSON de RANCÉ
138LE MERLE de BEAUFOND
139LENCOU-BARÊME
140LE PELLETIER BEAUFOND
141LE PELLETIER du CLARY
142LITTÉE
143LOUVEAU de LA GUIGNERAYE
144LUCY de FOSSARIEU (de)
145MAC HUGH
146MANCEAU (de)
147MARIE
148MARQUÈS
149MARRAUD des GROTTES,MARRAUDGuyennevers 1693???
150MARRY
151MARSAN
152MARTINEAU
153MATHIEU
154MAUGÉE
155MEYER
156MEYNARD (de)
157MICHAUX
158MICHEL
159MILLON SAINTE-CLAIRE
160MOLINARD
161MONROUX
162MONTAIGNE (de)
163MONZIOLS
164MORIN
165NICOLEAU
166O’LANYER
167PAPIN L’ÉPINE
168PELLISSIER TANON de CREYERS et de MENSAC)
169PÉRAUD
170PERCIN (de), PERCIN NORTHUMBERLAND (de)
171PÉRIÉ
172PEU DUVALLON
173PICHEVIN
174PINARD
175PINAUD
176PLISSONNEAU DUQUÈNEPLISSONNEAUBretagnevers 1658???
177PORRY
178POTHUAU
179POULLET, POULLET-OSIER
180PRAT de BASTIDE CONTE
181PRÉVOST SANSAC de TRAVERSAY
182PRÉVOTEAU, PRÉVOTEAU LE PELLETIER DUCLARYPRÉVOTEAUIle-de-Francevers 1769?procureur fiscal?
183RAVENEAU
184REYNAL de SAINT-MICHEL (de)RAYNALGuyennevers 1703clerc tonsurécapitoulmarchand
185RÉZARD de WOUVES
186RIFFAUD
187RIMBAUDRIMBAUDProvence1788???
188ROY de BELLEPLAINE
189ROZIÈRES (de)
190RUFZ de LAVISON (de)
191SAINTE-CLAIRE DEVILLE
192SAVON
193SEGUIN de LA SALLE
194SEGUIN ROSIER
195SIMONNETSIMONNETBretagnevers 1682???
196SINSON (de), SINSON SAINT-ALBIN
197SOUQUET-BASIÈGE
198TASCHER de LA PAGERIE (de)
199THEUVENIN
200THOZE
201TIBERGE
202TOUIN
203TRILLARD
204VATBLÉ
205VERTEUIL (de)
206VILAIN
207VIVIÈSVIVIÈSProvencevers 1755???
208WEST
209WINTER DURENEL

[25]

Notes et références

Annexes

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Articles connexes

Bibliographie

  • Édith Kováts-Beaudoux, Les Blancs Créoles de la Martinique : Une minorité dominante, éd. L’Harmattan, 2002 (éd. orig. 1969) (ISBN 978-2-7475-3206-8) [présentation en ligne] (recension par Frédéric Cazou, in L’Homme, no 177-178 janvier-juin 2006)
  • Jacques Petitjean-Roget, La Société d’habitation à la Martinique. Un demi-siècle de formation 1635-1685, Lille, Atelier de reproduction des thèses, 1980 (2 volumes)
  • Michel Leiris, Contacts de civilisations en Martinique et en Guadeloupe, (lire en ligne [PDF])
  • Jean Benoist, Types de plantations et groupes sociaux à la Martinique, (lire en ligne [PDF])
  • (en) Howard Johnson et Karl Watson, The white minority in the Caribbean, Ian Randle, , 180 p. (ISBN 978-1-5587-6161-2)
  • Michel Desse, « La récente transformation des acteurs économiques dans les DOM : l'exemple de la Guadeloupe, Martinique et Réunion », Annales de géographie, vol. 106, no 598,‎ , p. 592-611 (lire en ligne, consulté le )

Ouvrages anciens

  • Renée Dormoy-Léger et Élodie Dujon-Jourdain, Mémoires de Békées, texte établi, présenté et annoté par Henriette Levillain, éd. L'Harmattan, 2002, 2 vol. [présentation en ligne]
  • Sidney Daney de Marcillac, Histoire de la Martinique depuis la colonisation jusqu'en 1815, 1846 [lire en ligne]

Liens externes