Cour européenne des droits de l'homme

juridiction internationale liée au Conseil de l'Europe

Cour européenne des droits de l'homme
Nom officiel(fr) Cour européenne des droits de l'homme

(en) European Court of Human Rights

Sigle
Juridiction46 pays membres de la Conv. EDH (traité du Conseil de l'Europe)
LangueFrançais et anglais[1]
Création1950 par l'adoption de la Conv. EDH
Première session de la Cour en 1959
SiègePalais des droits de l'homme, avenue de l'Europe, Strasbourg, Drapeau de la France France
Coordonnées 48° 35′ 47″ nord, 7° 46′ 27″ est
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Composition1 président, 2 vice-présidents, 3 présidents de section, 40 autres juges (46 au total), 1 greffier, 1 greffier-adjoint[2]
Présidente
Nom Síofra O'Leary
Depuis
Voir aussi
ActualitéModification du règlement de la Cour entrée en vigueur le
Site officiel(en + fr) www.echr.coe.int/fr/
Lire en ligne(en + fr + de + it + ru) Conseil de l'Europe

(en + fr + ru + tr) HUDOC (jurisprudence)

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, CrEDH ou CourEDH)[n 1] est une juridiction internationale instituée en 1959 par le Conseil de l'Europe ayant pour mission d'assurer le respect des engagements souscrits par les États signataires de la Convention européenne des droits de l'homme.

La compétence de la Cour s'étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses protocoles additionnels[n 2]. La Cour peut être saisie d’une requête par un État ou « par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui s'estime victime d'une violation » de ses droits ou libertés, garantis par la Convention[n 3].

La Cour européenne des droits de l'homme fonctionne en permanence et siège, depuis le , à Strasbourg (France) dans un bâtiment conçu par l'architecte italo-britannique Richard Rogers.

Repères historiques

Le , l'ONU adopte la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui vise à promouvoir la reconnaissance universelle des droits qui y sont énoncés, afin de renforcer au niveau international la protection des droits de l'homme.

Le , le Conseil de l'Europe est créé à Londres, les membres du Conseil considèrent que la Déclaration de l'ONU tend à assurer la reconnaissance et l'application universelle et effective des droits qui y sont énoncés. Ils considèrent que l'un des moyens de favoriser une union plus étroite entre les membres du Conseil est la sauvegarde et le développement des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Ils réaffirment leur profond attachement aux libertés fondamentales qui constituent les assises de la justice et de la paix dans le monde. Ils affirment que le maintien de cette stabilité apaisée reposera sur un régime politique démocratique et sur un commun respect des droits de l'homme[n 4].

Les États élaborent la Convention européenne des droits de l'homme qui sera adoptée le , à Rome. Les gouvernements signataires (« Hautes Parties ») s'engagent à garantir l'accès aux droits fondamentaux, civils et politiques, non seulement à leurs ressortissants mais encore pour toutes les personnes relevant de leur juridiction. La Convention entre en vigueur le .

La Convention évolue grâce à l'interprétation des textes par la Cour (jurisprudence) et lorsque des protocoles viennent lui ajouter de nouveaux droits.

La Convention garantit notamment :

  • le droit à la vie ;
  • le droit à un procès équitable ;
  • le droit au respect de la vie privée et familiale ;
  • la liberté d'expression ;
  • la liberté de pensée, de conscience et de religion ;
  • le droit au respect de ses biens.

Elle interdit notamment :

  • la détention arbitraire et illégale ;
  • les discriminations dans la jouissance des droits et libertés ;
  • la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
  • l'esclavage et le travail forcé.

La Cour, qui depuis 1998 siège en permanence, doit veiller au respect des droits de l'homme pour 800 millions d'européens dans les 46 États membres. La première session a eu lieu du 23 au et la Cour rend son premier arrêt : Lawless c. Irlande, le . C'est seulement quatre mois plus tard que la Cour rend son deuxième arrêt majeur: l'arrêt Tennakamura, le . En près d'un demi-siècle, la juridiction a rendu plus de 10 000 arrêts. les décisions sont obligatoires et les États concernés sont régulièrement conduits à modifier leur législation ou leur pratique administrative pour se conformer aux textes conventionnels régulièrement enrichis par la jurisprudence. Sa jurisprudence est un instrument réactif et puissant pour consolider l'État de droit et la démocratie en Europe. Les motivations, les moyens avancés, les décisions prises, les arrêts de la CEDH nourrissent les débats juridiques de tous les pays membres[3].

Par un arrêt du 2 avril 2024, la CEDH reconnait le droit des individus d'être réellement protégés par l'État contre les effets néfastes du dérèglement climatique, avec une condamnation de la Suisse (pour violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme), à la suite d'une requête d'une association dénonçant des « manquements des autorités suisses » pour atténuer les effets du changement climatique ; la Cour a estimé que l'article 8 de la Convention consacre « un droit pour les individus à une protection effective, par les autorités de l'État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie »[4].

Compositions

États membres

En bleu, pays ayant ratifié la Convention.

Les États membres de la Cour européenne des droits de l'homme sont, en 2015, les 46 pays du Conseil de l'Europe :

Juges

La Cour se compose d'un nombre de juges égal à celui des États membres[Conv 1] soit 46 juges.

Liste des juges actuels de la Cour européenne des droits de l'homme[5],[6]
NomPaysPositionDébut du mandatFin du mandat[7]
Síofra O'Leary IrlandePrésidente
Georges Ravarani LuxembourgVice-président
Marko Bošnjak SlovénieVice-président2028
Gabriele Kucsko-Stadlmayer AutrichePrésidente de section
Pere Pastor Vilanova AndorrePrésident de section
Arnfinn Bårdsen NorvègePrésident de section2028
Krzysztof Wojtyczek PologneJuge2030
Faris Vehabović Bosnie-HerzégovineJuge2030
Egidijus Kūris LituanieJuge2031
Branko Lubarda SerbieJuge
Yonko Grozev BulgarieJuge
Carlo Ranzoni LiechtensteinJuge2024
Mārtiņš Mits LettonieJuge2024
Armen Haroutiounian ArménieJuge2024
Stéphanie Mourou-Vikström MonacoJuge2024
Alena Poláčková SlovaquieJuge
Pauliine Koskelo FinlandeJuge
Georgios Serghides ChypreJuge2025
Tim Eicke Royaume-UniJuge2025
Lətif Hüseynov AzerbaïdjanJuge2026
Jovan Ilievski Macédoine du NordJuge2026
Jolien Schukking Pays-BasJuge2026
Péter Paczolay HongrieJuge2026
Lado Chanturia GéorgieJuge2027
Maria Elósegui EspagneJuge2027
Ivana Jelić MonténégroJuge2027
Gilberto Felici Saint-MarinJuge2027
Darian Pavli AlbanieJuge2028
Erik Wennerström SuèdeJuge2028
Raffaele Sabato ItalieJuge2028
Saadet Yüksel TurquieJuge2028
Lorraine Schembri Orland MalteJuge2028
Anja Seibert-Fohr AllemagneJuge2029
Peeter Roosma EstonieJuge2029
Ana Maria Guerra Martins PortugalJuge2029
Mattias Guyomar FranceJuge2029
Ioannis Ktistakis GrèceJuge2030
Andreas Zünd SuisseJuge2030
Frédéric Krenc BelgiqueJuge2030
Diana Sârcu MoldavieJuge2030
Kateřina Šimáčková République tchèqueJuge2030
Davor Derenčinović CroatieJuge2031
Mykola Gnatovskyy UkraineJuge2031
Oddný Mjöll Arnardóttir IslandeJuge2032
Anne Louise Bormann DanemarkJuge2032
Sebastian Rădulețu RoumanieJuge2032

Désignation des juges

Peuvent être juges de la Cour les particuliers issus des États contractants de la Convention européenne des droits de l'homme, sous la condition de « jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour l'exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire. »[Conv 2].

Chaque État contractant présente une liste de trois candidats et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe élit un juge pour chaque État à la majorité qualifiée des voix[8]. Les juges sont élus pour un mandat de neuf ans non renouvelable depuis l'entrée en vigueur du protocole no 14, le (auparavant durée de six ans renouvelable), avec une limite d'âge fixée à 70 ans[Conv 3]. Les juges siègent à titre individuel et ne représentent aucun État. Leur fonction leur interdit toute activité incompatible avec leurs devoirs d'indépendance et d'impartialité[Conv 4]. Les 46 juges sont répartis en cinq sections, et au sein de chaque section, un comité de trois juges est désigné pour une période de douze mois, par rotation parmi les membres[Conv 5].

Désignation des présidents et vice-présidents

Présidents de la CEDH
NomMandatÉtat d'origine
Síofra O'Learydepuis 2022 Irlande
Róbert Spanó2020-2022 Islande
Linos-Alexandre Sicilianos2019-2020 Grèce
Guido Raimondi2015-2019 Italie
Dean Spielmann2012-2015 Luxembourg
Nicolas Bratza2011-2012 Royaume-Uni
Jean-Paul Costa2007-2011 France
Luzius Wildhaber1998-2007 Suisse
Rudolf Bernhardt1998 Allemagne
Rolv Ryssdal1985-1998 Norvège
Giorgio Balladore Pallieri1974-1980 Italie
Sir Humphrey Waldock (en)1971-1974 Royaume-Uni
Henri Rolin1968-1971 Belgique
René Cassin1965-1968 France

Le président de la Cour, les deux vice-présidents (également présidents de section) et les trois autres présidents de section sont élus par la Cour plénière, formation composée des 46 juges élus de la Cour. Le mandat des titulaires est d'une durée de trois ans renouvelable. Ils sont réputés pour leur moralité et leur compétence. Ils doivent être indépendants et il y a incompatibilité avec d'autres fonctions. Ils ne peuvent pas être révoqués par leur État d'origine, mais uniquement par décision de leurs pairs, prise à la majorité des deux tiers et pour des motifs graves.

Greffe

La Cour européenne des droits de l'homme est assistée par un greffe composé d'environ 640 agents, dont un peu moins de la moitié de juristes répartis en 31 sections[Conv 6]. Le greffe effectue un travail préparatoire des affaires à l'intention des juges[9], et assume les activités de communication de la Cour, avec les requérants, le public et la presse. Le greffier et le greffier adjoint sont élus par la Cour plénière.

Organisation et activité

La Cour européenne des droits de l'homme est organisée en deux formations administratives et deux formations de jugement.

Formations administratives

Les formations administratives sont chargées de la gestion de la Cour et des requêtes qui lui sont adressées.

Cour plénière

À l'intérieur de la Cour européenne.

La Cour plénière est la formation qui réunit l'ensemble des 46 juges de la Cour européenne des droits de l'homme. La formation plénière est chargée de constituer les chambres, d'élire les présidents des chambres parmi les juges, pour un mandat reconductible, d'adopter le règlement de la Cour et d'élire le greffier et le greffier adjoint[Conv 7]

Comités

Les comités sont des formations composées de trois juges, et constituées au sein de chaque section de la Cour par les chambres[Conv 8]. Les comités sont chargés de se prononcer sur la recevabilité des requêtes individuelles, sur saisine préalable du président de section. Les comités peuvent déclarer une requête irrecevable ou la rayer du rôle à l'unanimité « lorsqu'une telle décision peut être prise sans examen complémentaire. »[Conv 9]

Formations de jugement

Les formations de jugement sont chargées de l'examen des affaires, tant sur la forme que sur le fond. La Chambre et la Grande Chambre constituent respectivement les formations ordinaires et extra-ordinaires de jugement.

Chambre

La Chambre se compose de sept juges et constitue la formation ordinaire de jugement des affaires. Le juge élu au titre de l'État membre impliqué dans le litige est membre de droit de la Chambre[Conv 10]. Les chambres sont chargées en premier lieu de statuer sur la recevabilité des requêtes, examinées ou non par les comités. À cet effet, les chambres statuent séparément en matière d'examen de recevabilité et d'examen sur le fond[Conv 11]. En second lieu, une chambre peut décider de se dessaisir au profit de la Grande Chambre, lorsque la Chambre « soulève une question grave relative à l'interprétation de la Convention ou de ses Protocoles, ou si la solution d'une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour », et ce, sauf opposition des parties[Conv 12].

Grande Chambre

La Grande Chambre est une formation extraordinaire de jugement. Elle est composée de 17 juges, dont le juge élu au titre de l'État membre impliqué dans le litige, le président de la Cour, les vice-présidents, les présidents des chambres et d'autres juges désignés par tirage au sort[Conv 13]. La Grande Chambre se prononce sur les affaires qui lui ont été déferrées, et les demandes d'avis consultatif dont elle a été saisie[Conv 14]

Jurisconsulte

Le jurisconsulte a été institué en 2001 avant d’être consacré en 2014 dans le règlement de la Cour, dont l’article 18 B, intitulé « Jurisconsulte », dispose : « Aux fins de la qualité et de la cohérence de sa jurisprudence, la Cour est assistée d’un jurisconsulte. Celui-ci fait partie du greffe. Il fournit des avis et des informations, notamment aux formations de jugement et aux membres de la Cour. »

La Cour européenne des droits de l’homme est la seule juridiction internationale dotée d’un jurisconsulte.

Jurisconsultes de la CEDH
NomMandatÉtat d'origine
Lawrence EarlyDepuis Royaume-Uni
Vincent Berger2006-2013 France
Michele de Salvia2001-2005 Italie

En pratique, le jurisconsulte assure une veille jurisprudentielle et s’efforce de prévenir les conflits de jurisprudence. Il examine tous les projets d’arrêt et de décision qui sont soumis aux chambres constituées au sein des cinq sections, et formule ensuite des observations qu’il adresse à tous les juges de la Cour et aux responsables du greffe. Il rédige chaque semaine un flash jurisprudentiel confidentiel, réservé aux juges et aux juristes du greffe et consacré aux développements intervenus dans les sections durant la semaine écoulée. Il assiste à toutes les délibérations de la grande chambre et du collège de celle-ci. Par ailleurs, il fait souvent office de greffier de la grande chambre et de porte-parole jurisprudentiel de la Cour.

Le titulaire du poste est choisi par le bureau de la Cour et nommé par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe, au terme d’un concours ouvert aux ressortissants des États membre de l’organisation, quarante-sept actuellement. Il a rang de directeur au Conseil de l'Europe.

Statistiques d'activité

La Cour publie sur son site l'analyse statistique de ses activités[10].

La Cour a rendu plus de 12 000 arrêts. Cela est lié à une quasi-automaticité de la saisine après épuisement des voies de recours internes.

  • En 1990, la Cour a été saisie de plus de 5 000 requêtes.
  • En 1994, la Cour a été saisie de plus de 10 000 requêtes.
  • En 2002, la Cour a été saisie de plus de 35 000 requêtes.
  • En 2014, la Cour a été saisie de 56 250 requêtes, ce qui représente une diminution globale de 15 % par rapport au chiffre de 2013 (65 800)[11].

Bien connue des avocats et donc des 800 millions de justiciables européens, la CEDH est menacée d'asphyxie tant les requêtes se multiplient : 60 000 requêtes nouvelles chaque année. Les statuts de la Cour ont été modifiés (via l'adoption du protocole 14) pour permettre qu'un juge unique puisse traiter les cas les plus simples. De la sorte, le nombre des affaires pendantes est passé en six mois de 160 000 à 150 000.

Les États ayant fait l'objet du plus grand nombre de condamnations sont :

en 2002 :
ÉtatCondamnationsAccords à l'amiable
Italie32549
France616
Turquie5445
Royaume-Uni306
en 2003 :
ÉtatCondamnationsAccords à l'amiable
Italie10629
Turquie7644
France767
Pologne4322
en 2004 :
ÉtatCondamnationsAccords à l'amiable
Turquie15410
Pologne744
France594
Italie361
en 2005 :
ÉtatCondamnationsAccords à l'amiable
Turquie2706
Ukraine1190
Grèce1001
Russie810
en 2006 :
ÉtatCondamnationsAccords à l'amiable
Turquie31210
Ukraine1191
Slovénie1851
Pologne1070
Russie960
en 2007 :
ÉtatCondamnationsAccords à l'amiable
Turquie3194
Russie17511
Ukraine1080
Pologne1010
Roumanie883
en 2008 :
ÉtatCondamnationsAccords à l'amiable
Turquie2571
Russie2330
Roumanie1890
Pologne1291
Ukraine1100
en 2009 :
ÉtatCondamnationsAccords à l'amiable
Turquie3410
Russie2102
Roumanie1532
Ukraine1260
Pologne1230
en 2010 :
ÉtatCondamnationsAccords à l'amiable
Turquie2280
Russie2040
Roumanie1350
Ukraine1070
Pologne870
en 2011 :
ÉtatCondamnationsAccords à l'amiable
Turquie1590
Russie1210
Ukraine1050
Grèce690
Roumanie580

Contribution jurisprudentielle de cette Cour

La Cour publie sur son site le recueil des arrêts et décisions ainsi que leur analyse jurisprudentielle.

L'une des retombées de ces activités est l'évolution de la doctrine juridique sur les Droits de l'homme eux-mêmes. C'est le cas de la jurisprudence qu'elle construit progressivement sur les différends entre les États et les particuliers qui commence à être prise en compte par la doctrine juridique dans de nombreux pays, même non européens. Mais il ne s'agit pas que de doctrine, une autre retombée plus concrète est la modification de la législation à la suite d'une condamnation, comme en France avec la promulgation de la loi sur les écoutes téléphoniques du à la suite d'une condamnation de la France par les arrêts Kruslin et Huvig du .

De plus, étant donné que la Convention européenne des droits de l'homme peut être directement invoquée en France devant les tribunaux, il est possible de se prévaloir de l'interprétation faite par la Cour de Strasbourg pour que le juge écarte la loi contraire à la Convention[12]. Ainsi, aussi bien le juge administratif que le juge judiciaire ont chacun à leur tour rendu inopérantes des lois françaises car elles créaient des violations des droits garantis par la Convention. Enfin, la France a créé dans le cadre de sa Cour de cassation une « commission de réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme »[13].

Procédure

La Cour dispose d'une compétence subsidiaire en matière de violation des droits de l'homme. Le requérant doit avoir épuisé les voies de recours internes de son État pour engager un recours devant cette juridiction supranationale. Par ailleurs, les requêtes doivent satisfaire certaines conditions pour être déclarées recevables, et examinées au fond. Les requêtes sont nécessairement dirigées contre un État contractant de la Convention.

La CEDH édite pour information le « Guide pratique sur la recevabilité » [PDF].

Épuisement des voies de recours internes

L'article 35 de la convention européenne des droits de l'homme établit comme condition préalable à la saisine de la Cour européenne des droits de l'homme, l'épuisement des voies de recours internes. Cette condition est la conséquence de la compétence subsidiaire de la juridiction supranationale, conçue comme un organe de contrôle de l'application de la convention. Les juridictions des États signataires sont chargées d'appliquer la convention, et de faire disparaître les violations des droits de l'homme. Pour saisir la Cour, le requérant doit établir l'incapacité des juridictions nationales à remédier aux manquements, en exerçant les recours utiles, efficaces et adéquats, et en invoquant en substance une violation de la convention[14].

Recours utiles, efficaces et adéquats

Le requérant doit épuiser les voies de recours internes adaptées « au redressement de la violation des droits de l'Homme dont il se dit victime »[14]. Autrement dit, les recours internes doivent être utiles, efficaces et adaptés à la situation du requérant.

Les recours adaptés sont ceux qui peuvent supprimer la cause de la violation des droits de l'homme. Les recours efficaces s'entendent des recours qui relèvent de la compétence d'autorités ayant le pouvoir de redresser la violation alléguée. L'utilité d'un recours s'apprécie quant aux chances de succès du requérant devant une juridiction donnée, compte tenu de sa jurisprudence antérieure. La Cour européenne des droits de l'homme a précisé, concernant la France, « que le pourvoi en cassation figure parmi les voies de recours à épuiser en principe pour se conformer à l'article 35 [de la Convention] »[15].

Le principe de l'épuisement des voies de recours internes connaît certains aménagements. En premier lieu, des allégations sérieuses de tortures peuvent dispenser le requérant d'épuiser les voies de recours internes[16]. En second lieu, le citoyen peut épuiser les voies de recours internes avec l'aide d'une association[17].

Invocation en substance

L'invocation en substance est un principe de recevabilité des requêtes complémentaire à l'épuisement des voies de recours. La Cour européenne des droits de l'homme impose au requérant « d'avoir soumis en substance aux autorités nationales le grief qu'il fait valoir devant les organes de contrôle de Strasbourg »[18]. À cet effet, la Cour européenne des droits de l'homme estime que cette condition est satisfaite, lorsque le requérant a seulement évoqué des dispositions de droit interne équivalentes à celles devant la CEDH devant les juridictions nationales[19]. En revanche, la Cour a rejeté le principe plus favorable de invocation en substance implicite[20]. Ainsi, le requérant « doit invoquer directement la CEDH ou se référer explicitement à des dispositions internes équivalentes »[21].

Saisine de la Cour

Titulaires du droit de saisir la Cour

La Cour européenne des droits de l'homme peut être saisie par une personne physique, une organisation non gouvernementale ou un groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention et ses protocoles, par l'un des États contractants[Conv 15]. Cette conception des droits naturels de l'homme confère un droit de saisir la Cour à toute personne, indépendamment de sa nationalité ou de son lieu de résidence actuelle. Cependant, le requérant doit être victime d'un manquement d'un État contractant à ses engagements.

Personnes physiques

Le droit de recours individuel est ouvert à toute victime directe[Conv 16], indirecte[22] ou potentielle[23] d'une violation des droits de l'homme, résultant d'un manquement d'un État contractant. La Cour européenne des droits de l'homme reconnait que le frère d'une victime peut introduire une requête en son nom, sans avoir reçu de procuration[24]. Par ailleurs, la Cour a admis qu'une association de protection de l'environnement puisse engager un recours pour défendre l'intérêt général, et non des victimes particulières[25].

Ce recours a fait l'objet d'une évolution : jusqu'à l'entrée en vigueur du protocole 11, il fallait que l'État ait accepté que les individus usent d'un tel recours. Il a fallu attendre la fin des années 1980 pour que la France accepte que les individus puissent saisir la Cour. Depuis 1998, il est automatique, les États n'ont plus à acquiescer pour qu'un individu puisse saisir la Cour.

Organisations non gouvernementales au sens large

La Cour européenne des droits de l'homme retient une interprétation extensive de l'article 34 de la Convention, pour élargir la notion d'organisation non gouvernementale. Le droit de saisir la Cour est désormais reconnu aux personnes morales, telles les sociétés commerciales[26] et les personnes morales de droit public n'exerçant aucune prérogative de puissance publique, tout en jouissant d'une autonomie complète par rapport à l'État[27]. Cependant, un seul article de la Convention EDH (plus précisément l'article premier du premier protocole additionnel, relatif au droit à la propriété) dispose que sa protection s'étend aussi bien aux personnes physiques que morales.

Toutefois, les collectivités locales sont privées du droit de saisir la Cour européenne des droits de l'homme[28].

Procédure inter-étatique

Il existe également une procédure inter-étatique par laquelle un État peut en attaquer un autre, mais son usage est très peu courant.

Conditions de recevabilité des requêtes

Pour être recevable, une requête doit être introduite dans les six mois (d'après le protocole no 14 en vigueur. Le protocole no 15 prévoit un délai de quatre mois, mais n'est pas encore entré en vigueur car tous les États ne l'ont pas encore signé) suivant la date de la dernière décision interne définitive[Conv 17], et doit être signée par le requérant ou son représentant[Conv 18]. Il faut aussi que le requérant ait, devant la juridiction nationale, soutenu qu'il était victime d'une violation de la Convention européenne des droits de l'homme. La règle non bis in idem constitue un autre critère de recevabilité des requêtes, au terme duquel la Cour ne retient aucune requête individuelle lorsqu'elle « est essentiellement la même qu'une requête précédemment examinée par la Cour ou déjà soumise à une autre instance internationale si elle ne contient pas de faits nouveaux »[Conv 19]. D'autre part, la Convention prévoit deux conditions négatives de recevabilité des requêtes individuelles[Conv 20]. En premier lieu, une requête serait manifestement mal fondée « s'il n'existait aucun commencement de preuve à l'appui des faits invoqués ou si les faits établis ne révélaient même pas une apparence de violation de la CEDH »[29]. En second lieu, les requêtes sont jugées abusives lorsqu'elles contiennent des propos insultants à l'égard d'un État ou de ses représentants, ou lorsqu'elles sont fantaisistes ou provocatrices[29].

Contrôle des conditions de recevabilité

Filtrage des requêtes : Ici, la Cour informe le requérant que le juge, au vu du dossier, a décidé de déclarer la requête irrecevable. Cette décision est définitive et sans recours ; le greffe ne peut fournir aucune explication.

La requête adressée à la Cour est attribuée par le président de la Cour à une section, et examinée par un juge rapporteur nommé par la Chambre à laquelle il appartient[Conv 21]. Le juge rapporteur demande aux parties de soumettre tous les renseignements nécessaires et pertinents à l'examen de la cause, et décide si l'affaire doit être examinée par le comité ou la chambre. Le comité saisi de la recevabilité d'une requête ne peut la déclarer irrecevable ou la rayer du rôle qu'à l'unanimité des membres du comité. À défaut d'une telle unanimité, la requête est adressée à la chambre qui peut admettre sa recevabilité, déclarer son irrecevabilité ou la rayer du rôle à la majorité simple des voix. La Grande chambre peut également être saisie de l'admissibilité d'une requête dans les cas les plus sensibles[30].

Le protocole 14 permet l'exclusion des requêtes répétitives. C'est un premier élément qui permet d'orienter les affaires. Il va évacuer les affaires qui auront déjà donné lieu à une décision et vont se retrouver traitées les affaires qui « méritent » d'être traitées. 60 % des requêtes sont des requêtes répétitives. Cette capacité de filtrage est visible.

Ne sont pas examinées les affaires qui ont donné lieu à un préjudice peu important. Les juges ont lié cette condition à une jurisprudence importante.

Le protocole 14 est entré en vigueur le après la ratification de la Russie, qui était le seul État du Conseil de l'Europe à s'opposer à la ratification du protocole, bloquant ainsi la réforme de la Cour. Le , avec 392 voix sur 450, la Douma d’État russe a finalement donné son feu vert[31].

Procédure postérieure à la recevabilité

Une fois la requête déclarée recevable, l'affaire est instruite par une chambre de section qui dispose de pouvoirs d'instruction, et peut indiquer des mesures provisoires et solliciter l'avis de tiers. La chambre tente, après examen contradictoire des éléments, de parvenir à un règlement amiable de l'affaire, et le cas échéant, rend un arrêt susceptible de renvoi devant la Grande chambre.

Instruction de l'affaire

Une fois la requête déclarée recevable, la chambre saisie de l'affaire dispose de larges pouvoirs d'instruction en vue d'établir contradictoirement les faits de la cause. Les mesures d'instruction peuvent être adoptées soit d'office, soit à la demande des parties[Conv 22]. À cet effet, la chambre peut solliciter la production d'éléments de preuves écrites ou l'audition de témoins et d'experts, en principe à huis clos[Conv 23]. La chambre peut également désigner un ou plusieurs juges de la Cour pour procéder à la visite des lieux en vue de recueillir des renseignements[Conv 24]. La chambre peut également indiquer des mesures provisoires et solliciter l'avis de tiers à l'affaire.

Mesures provisoires

Quand l'exécution d'une décision d'une autorité d'un pays est considérée comme pouvant entraîner des dommages irréparables, la Cour, saisie en procédure d'urgence, peut ordonner à l'État considéré des mesures provisoires[32],[33],[34].

La Cour a publié des instructions pratiques pour la mise en œuvre de cette procédure[35].

La chambre saisie de l'affaire, ou son président, peuvent indiquer aux parties l'exécution de mesures provisoires qu'ils estiment adaptées à la situation. Certains auteurs jugent ces mesures « indispensables pour empêcher que l'État défendeur ne mette à profit la durée de la procédure européenne pour créer une situation irréversible gravement attentatoire aux droits de l'Homme, et empêcher ainsi l'exercice efficace du droit de recours individuel au mépris de l'article 34 in fine de la CEDH »[36]. La Grande chambre de la Cour a jugé que l'inobservation des mesures provisoires portait atteinte à l'effectivité du droit de recours individuel, garanti par l'article 34 de la Convention[37]. Le prononcé des mesures provisoires est conditionné au risque avéré de préjudice imminent et irréparable[38], mais les mesures provisoires « sont de plus en plus souvent adoptées par la Cour […] et permettent de conférer, insensiblement, un caractère suspensif de substitution au recours individuel exercé devant la CEDH »[39].

Selon le juge Jean-Paul Costa, cette procédure est une ébauche d'une procédure de référé de la cour, qui reste à consolider[40].

Tierce intervention

L'article 36 de la Convention, modifié par le protocole no 11, a introduit une procédure de tierce intervention destinée à aider la Cour à se prononcer en toute connaissance de cause. À cet effet, le Président de la chambre peut inviter une personne à présenter des observations écrites, ou à prendre part aux audiences. Les personnes sollicitées s'entendent des États contractants dont un ressortissant est requérant, des États contractants qui ne sont pas parties à l'affaire, et plus généralement de « toute personne intéressée ». Ainsi, la Conférence des évêques catholiques d'Angleterre et du pays de Galles et un organisme de recherche ont été invités à donner leur avis sur les questions liées au suicide assisté[41]. De même, le HCR a présenté des observations écrites sur la question de la détention d'un demandeur d'asile[42].

Jugement de l'affaire

Après avoir admis la recevabilité de la requête individuelle, la chambre saisie se met à la disposition des parties, pour parvenir à un règlement amiable de l'affaire. Le cas échéant, la chambre se prononce par un arrêt.

Règlement amiable

Le règlement amiable de l'affaire doit être tenté à l'initiative de la chambre, dans le respect des droits de l'homme reconnus par la Convention et ses protocoles[Conv 25]. Le règlement amiable se traduit par une radiation de l'affaire du rôle, et le prononcé par la chambre d'une brève décision se limitant à l'exposé des faits et de la solution retenue[Conv 26].

Prononcé de l'arrêt

À défaut de règlement amiable, et après examen contradictoire de l'affaire, la chambre saisie rend un arrêt qui se prononce sur l'existence ou non d'une violation de la Convention et de ses protocoles. Si la violation alléguée est reconnue, et que le droit interne ne permet pas de réparer efficacement les effets de la violation, la chambre peut accorder à la partie lésée une satisfaction équitable sous forme de dommages-intérêts[Conv 27]. Les arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l'homme sont obligatoirement motivés. Les juges peuvent exprimer leur opinion individuelle, concordante ou dissidente, en annexe de l'arrêt[Conv 28]. Il est arrivé que des juges ajoutent à l'arrêt, non pas une opinion, mais une « déclaration ».

Les arrêts rendus en chambre ordinaire deviennent définitifs, lorsque les parties annoncent leur intention de ne pas saisir la Grande chambre, ou trois mois après le prononcé de l'arrêt en l'absence de saisine de la Grande chambre[Conv 29]. Le protocole 11 prévoit que les affaires jugées peuvent faire l'objet d'un réexamen dans la Grande Chambre à condition que l'affaire comporte un problème d'interprétation ou que l'affaire donne lieu à une contradiction de jurisprudence. La Cour va examiner de nouveau l'affaire au fond. Le renvoi donne lieu à un arrêt. L'arrêt définitif ne peut faire l'objet que de deux seuls recours : recours en interprétation ou recours en révision. Les États contractants s'engagent à exécuter les arrêts définitifs, sous la surveillance du Comité des ministres[Conv 30], mais la Cour européenne des droits de l'homme est une juridiction supranationale dépourvue de pouvoir de coercition à l'égard des États. Le comité des ministres est habilité à saisir la Cour contre un État qui, après mise en demeure, continuera de ne pas exécuter l'arrêt de la Cour. On parle de recours en manquement d'un État. La décision est prise à la majorité qualifiée.

Hypothèses de saisine de la Grande chambre

La Grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme se prononce sur le fond dans les affaires interétatiques, et dans les affaires individuelles en deux hypothèses.

Dessaisissement d'une chambre de section

Une chambre de section saisie d'une affaire peut se dessaisir au profit de la Grande chambre, en l'absence d'arrêt définitif et sauf opposition des parties, lorsque l'affaire « soulève une question grave relative à l'interprétation de la Convention ou de ses Protocoles, ou si la solution d'une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour »[Conv 12].

Demande de renvoi en Grande chambre

En présence d'un arrêt rendu par une chambre de section, un requérant peut demander le renvoi de l'affaire devant la Grande chambre de la Cour, dans un délai de trois mois à compter du prononcé de l'arrêt[Conv 31]. La demande de renvoi est examinée par un collège de cinq juges de la Grande chambre, et l'accepte seulement lorsque « l'affaire soulève une question grave relative à l'interprétation ou à l'application de la Convention ou de ses Protocoles, ou encore une question grave de caractère général »[Conv 32]. Les auteurs relèvent que « les parties laissent devenir définitifs l'immense majorité des arrêts de Chambre en ne demandant pas le renvoi dans les trois mois et que, le feraient-elles, le collège de cinq juges n'accepte leur demande qu'avec la plus extrême parcimonie »[43].

La Grande chambre peut infirmer légèrement[44] ou plus radicalement[45] les arrêts de chambre de section. Elle peut également déclarer irrecevable une requête qu'une chambre avait déclaré recevable[46], et peut parfois autoriser un réexamen de l'ensemble de l'affaire[47].

Jurisprudence

Portée des arrêts de la Cour

Portée des arrêts constatant une violation

La Cour européenne des droits de l'homme a précisé que ses arrêts sont essentiellement déclaratoires[48], et se contentent de déclarer l'existence ou non d'une violation de la Convention et des protocoles. La compétence supraétatique subsidiaire de la Cour l'empêche d'abroger les lois et les décisions, ou d'annuler les décisions de droit interne à l'origine de la violation des droits. Ainsi, les arrêts de la Cour « ont une portée individuelle limitée à une compensation pécuniaire »[49]. La portée obligatoire des arrêts définitifs est limitée en premier lieu par la compétence supraétatique de la Cour. En second lieu, les arrêts de la Cour ne valent pas titre exécutoire en droit interne. Leur exécution est normalement contrôlée par le Comité des ministres[Conv 33], mais la Cour se reconnaît la compétence de surveiller l'exécution de ses arrêts, à la demande d'un requérant individuel[50]. En dernier lieu, la portée des arrêts de la Cour est limitée par l'autorité de chose jugée des décisions de droit interne.

Portée des arrêts accordant une satisfaction équitable

La satisfaction équitable, de nature exclusivement pécuniaire[51], est accordée à la victime « lorsque le droit interne de l'État mis en cause est impuissant à faire disparaitre complètement la violation constatée »[52]. L'indemnité allouée par la Cour, et à la charge de l'État reconnu coupable d'une violation des droits de l'homme, correspond aux frais et dépens exposés, et au préjudice matériel et moral de la victime[53]. Le montant de la somme allouée peut être considérable : ainsi, l'État français a été condamné à verser près d'un million d'euros aux victimes d'une liquidation discriminatoire[54]. L'État condamné doit effectuer le versement de l'indemnité dans les trois mois suivant l'arrêt[55], et la Cour peut ordonner le versement d'intérêts moratoires en cas de dépassement de ce délai[56].

Interprétation de la Convention et des protocoles

La Cour européenne des droits de l'homme est compétente pour interpréter la Convention et ses protocoles additionnels[Conv 34] selon les règles générales d'interprétation des traités définies par la Convention de Vienne du [57]. Cependant, la Cour s'est affranchie d'une interprétation littérale au profit d'une interprétation téléologique des textes, afin de leur garantir une meilleure effectivité et « de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires mais concrets et effectifs »[58].

Concepts amplificateurs

Prééminence du droit

La Cour estime que le principe de prééminence du droit, visé dans le préambule de la Convention, est « un des éléments du patrimoine spirituel commun des États membres du Conseil de l'Europe »[59] et concerne la Convention dans son ensemble[60]. Ce principe de prééminence du droit a notamment fondé l'exigence de la Cour d'une protection adéquate contre l'arbitraire des immixtions de la puissance publique[61].

Autonomie des termes
Lecture combinée de l'article 14
Obligations positives
Portée limitée des restrictions
Espérance légitime
Autonomie personnelle

Concepts modérateurs

Applications particulières

L'esclavage doit être efficacement sanctionné en droit interne (article 4)

Les violations de l'article 4 doivent être sévèrement et efficacement sanctionnées en droit interne :

  • , Siliadin c. France : condamnation de la France qui n'a pas respecté l'article 4 de la Convention sur l'esclavage. La justice française n'a pas assez condamné un cas d'esclavage domestique sur une jeune Togolaise, Siwa-Akofa Siliadin, dans les années 1990.

L'article 5 protège la liberté

La régularité de la privation de liberté doit être contrôlée rapidement par un juge

L’intéressé a refusé de déférer à un ordre de la police lui enjoignant de quitter un lieu de fête. Il affirme que son arrestation et sa détention par la police sont une violation de l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention. La Cour considère que la durée de la détention policière couplée au retard dans le contrôle effectué par le juge n’a pas suffisamment respecté l’équilibre qu’il fallait établir entre la nécessité de garantir l’exécution de l’obligation imposée au requérant et le droit de celui-ci à la liberté. Dès lors, la Cour conclut à la violation de l’article 5, paragraphe 1, alinéa b de la Convention.Communiqué du Greffier.

Violations de l'article 6

On peut d'abord remarquer que sur un plan quantitatif, il s'agit de l'article le plus souvent invoqué par les requérants devant la Cour européenne des droits de l'homme.Le respect de la présomption d'innocence s'impose à tous :

  • et , Allenet de Ribemont c. France : la Cour rappelle avec netteté les pouvoirs publics à leurs devoirs de réserve devant l'action judiciaire en condamnant la France pour violation de l'article 6. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Michel Poniatowski, ministre français de l’Intérieur, immédiatement après l’assassinat de Jean de Broglie, a publiquement dénoncé comme instigateur de l'assassinat un homme qui a finalement fait condamner la France à Strasbourg pour « atteinte à la présomption d'innocence », obtenant une indemnisation de plus de deux millions de francs français. Aucun tribunal français ne suit Michel Poniatowski en condamnant ce coupable prédésigné. La Cour souligne que les prescriptions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant la présomption d'innocence s'appliquent à tous les niveaux d'intervention de l'autorité publique.

L'égalité des armes devant les tribunaux, quels qu'ils soient, doit être assurée :

  • , Foucher c. France : le refus d'accès au dossier pénal est une violation du droit à l'égalité des armes. Poursuivi pour une contravention alléguée, le requérant s'est défendu seul et n'a pu accéder aux procès-verbaux constituant le dossier.
  • 2001, Kress c. France : le Commissaire du gouvernement de la juridiction administrative française (CE) ne doit pas participer au délibéré. De plus, une note en délibéré peut être soumise par les parties après le prononcé de ses conclusions. Cet arrêt est confirmé le par Martinie c. France. La solution est étendue à la Cour des comptes française, qui malgré ses spécificités est qualifiée de juridiction et peut se voir appliquer les principes du procès équitable. Avec les arrêts Borgers (1991) et Delcourt (1970) est mise en évidence la reconnaissance par la CEDH de la théorie des apparences appliquée au droit processuel.
  • , Meftah c. France (arrêt de Grande Chambre) : la Cour juge que, faute d’avoir offert au requérant un examen équitable de sa cause devant la Cour de cassation dans le cadre d’un procès contradictoire, en assurant la communication du sens des conclusions de l’avocat général et en permettant d’y répondre par écrit, il y a eu, en l’espèce, violation de l’article 6, paragraphe 1.

Les audiences des tribunaux doivent être publiques :

  • , le comte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique : l'exigence de la publicité exclut que seule la procédure devant la Cour de cassation, laquelle ne connaît pas du fond de l'affaire, soit publique, alors que la procédure n'était pas publique devant les juridictions du fond ; « Le texte complet de l'arrêt » (consulté en ).
  • Osinger c. Autriche : l’affaire concerne une procédure engagée pour déterminer qui devait hériter d’une ferme qui avait appartenu au frère du requérant. La procédure de succession s’est déroulée sans aucune audience publique, au mépris de l’article 6, paragraphe 1. Communiqué du Greffier .

Les décisions des tribunaux doivent être exécutées :

  • Qufaj Co.Sh.P.K. c.Albanie : une société albanaise obtient en appel une somme en réparation d’un préjudice. L'arrêt devient définitif et exécutoire. La société n'arrive pas à faire appliquer ce jugement. Saisie, la Cour constitutionnelle albanaise déclare que l’exécution de décisions judiciaires ne relève pas de sa compétence. La Cour européenne des droits de l’homme juge que l’inexécution par les autorités albanaises d’une décision définitive est une violation de l’article 6, paragraphe 1 (droit à un procès équitable), de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les tribunaux doivent être indépendants :

  • 28/07/1984, Campbell c. R-U, 4 critères d'indépendance du juge sont énoncés : son mode de désignation, la durée des mandats, l'existence de garanties contre les pressions extérieures et une apparence d'indépendance.
  • , Beaumartin c. France : n'est pas indépendante la juridiction qui, au lieu d'interpréter elle-même un accord international, s'en remet à l'avis du ministre des Affaires étrangères.

Obligation de rendre la justice dans un délai raisonnable

  • elle revient régulièrement dans la jurisprudence de la Cour. Par exemple, dans les arrêts Pelissier c. France (1999) et Kudla c. Pologne (2005).

Pas de peine sans loi (article 7)

  • , Lawless c. Irlande : la détention administrative pendant cinq mois en 1957 d'un membre notoire de l'IRA en application des lois particulières de 1939 et 1940 ne constitue pas une violation de la Convention européenne des droits de l'homme, compte tenu notamment de l'importance des troubles à l'époque[réf. nécessaire].
  • , Welch c. Royaume-Uni : il n'est pas possible d'appliquer une peine (en l'espèce, confiscation) qui a été augmentée par une loi de 1986 postérieure aux infractions pénales reprochées.

Le droit à la vie familiale et privée est garanti par l'article 8

  • , Moustaquim c. Belgique. L'éloignement d'un étranger peut constituer une violation de l'article 8[62].
  • , Liberty & autres contre Royaume-Uni, concernant l'interception de communications, par l'agence de renseignement GCHQ, émises depuis et vers la république d'Irlande[63].
  • Le , affaires Mennesson et Labassée c. France. La Cour décide que la non-reconnaissance d'une filiation entre un enfant issu d'une gestation pour autrui et ses parents qui sont reconnus en tant que tels au moment de la naissance des enfants dans le pays où cette naissance a eu lieu, est une violation de l'article 8 de la Convention. Ainsi, pour cette non-reconnaissance de la filiation, la Cour estime « que cette contradiction porte atteinte à l’identité des enfants au sein de la société française »[64].

La protection de la liberté d'expression (article 10) n'est pas absolue

  • Le paragraphe 1 de l'article 10 grave dans le marbre la protection des sources d'information des journalistes, sans exceptions ni restrictions.
  • Le paragraphe 2 de l'article 10, qui prévoit des restrictions à la liberté d'expression, ne distingue pas selon la nature de l'expression en cause, et notamment ne connaît pas d'exception en faveur de la recherche scientifique (voir par exemple Commission EDH, décision sur la recevabilité, Marais c. France, , no 31159/96).
  • En 2006, l'hebdomadaire allemand Der Spiegel a publié un article sur l'aryanisation de trois propriétés qui avaient appartenu à des propriétaires juifs et qui étaient désormais détenues par la dynastie d'éditeurs Dumont Schauberg. Dumont a exigé avec succès que Der Spiegel retire les allégations de l'article Klüngeln im Krieg, affirmant que l'allégation selon laquelle la famille d'éditeurs DuMont avait profité de l' aryanisation pendant l'ère nazie était fausse. Neven-Dumont a souligné que Gabriele Neven DuMont a acheté le terrain le , trois ans après que le groupe Gerling ait acquis le terrain de la famille juive Brandenstein, en payant 255 000 RM, plus de cinq fois le montant que Gerling avait payé en 1938[65],[66].
  •  : Financial Times LTD et autres c. Royaume-Uni : « la protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse »[67].
  • , Fressoz et Roire c. France (Le Canard enchaîné) : la Cour dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 10 (liberté d'expression) de la Convention. À la suite du refus de la direction de Peugeot, présidée par Jacques Calvet, d’augmenter les salaires réclamés par le personnel, le Canard enchaîné publia un article détaillant l’évolution des salaires de Jacques Calvet, à partir de photocopies partielles de ses trois derniers avis d’imposition. À la suite d'une plainte de M. Calvet, une procédure pénale fut engagée à l'encontre des deux requérants pour notamment recel des photocopies des avis d'imposition du président de Peugeot, provenant de la violation du secret professionnel par un fonctionnaire non identifié. La Cour accorde aux requérants une somme égale à celle qu'ils avaient été condamnés à payer.
  • , July et Tourancheau c. France : la Cour conclut à la non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention. En 1996, le quotidien Libération, dont Serge July est directeur de publication, publia un article de Patricia Tourancheau intitulé « Amour d’ados planté d’un coup de couteau », relatant les circonstances du meurtre d’une jeune fille tuée d’un coup de couteau en . L’article relatait les circonstances dans lesquelles le meurtre s’était déroulé et reproduisait notamment des extraits de déclarations faites à la police ou au juge d’instruction et des propos figurant au dossier de l’instruction ou recueillis lors de l’interview qu’il avait accordée à la journaliste. Se fondant sur l’article 38 de la loi du relative à la liberté de la presse, la condamnation des requérants par les tribunaux français ne porte pas atteinte à la liberté d’expression garantie par l’article 10 « puisqu’il s’agit de prohiber la publication de tous les actes de procédure criminelle ou correctionnelle jusqu’au jour de l’audience ». La Cour estime que l’intérêt des requérants, Patricia Tourancheau et Serge July, à communiquer et celui du public à recevoir des informations au sujet du déroulement d’une procédure pénale et sur la culpabilité des suspects, alors que l’instruction judiciaire n’était pas terminée, n’était pas de nature à l’emporter sur les considérations invoquées par la justice française : protection de la présomption d'innocence et du secret de l'instruction.
  • , arrêt Hachette Filipacchi Associés (« Ici Paris ») c. France : la Cour conclut à l'unanimité à la violation de l'article 10 par la France en raison de la condamnation en 2002 de la requérante, une maison d’édition, à la suite de la publication en 1996 d’un article concernant le chanteur Johnny Hallyday, qui invoquait le droit à l'image et le droit à la vie privée[68],[69].

L'article 14 garantit l'égalité entre enfants

  • , Pla et Puncernau c. Andorre : la Cour rappelle que les États membres du Conseil de l'Europe attachent de nos jours de l’importance à l’égalité, en matière de droits de caractère civil, entre enfants issus du mariage et enfants nés hors mariage. Les enfants nés hors mariage ont donc un droit égal à l'héritage. La Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 14 combiné avec l’article 8. Elle conclut également qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément la requête sous l’angle de l’article 8 lu isolément Communiqué du greffier.

Le droit de propriété est protégé par l'article 1 du protocole 1

  • , Motais de Narbonne c. France : indemnisation de 3 286 765,70 euros pour les sept requérants, héritiers d’une personne qui était propriétaire d’un terrain à Saint-Denis de La Réunion, lequel fut exproprié. Le , la Cour a jugé que du fait de l’absence d’aménagement du terrain pendant 19 ans après l’expropriation, les requérants ont été indûment privés de la plus-value engendrée par ce terrain. Elle en déduit qu’ils ont subi une charge excessive du fait de l’expropriation litigieuse et conclut à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 (protection de la propriété) de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour se prononce plusieurs mois plus tard sur la question de l’application de l’article 41 (satisfaction équitable) quant au dommage matériel, et ce à l'unanimité Communiqué du Greffier.
  • 2005: arrêt Bosphorus.

Éducation chrétienne

La Cour a examiné si la Norvège avait forcé un enfant n'étant pas d'obédience chrétienne à recevoir des cours sur le christianisme, ce qui ne correspondrait pas aux normes pluralistes établies sur le continent et aurait violé l'article 2 du protocole additionnel no 1 permettant aux parents d'éduquer leurs enfants en accord avec leurs convictions religieuses et philosophiques[70]. La Cour a décidé qu'au vu de la place du christianisme en Norvège, et du contenu des enseignements visés, la Norvège était dans sa marge d'appréciation.

Requêtes inter-Étatiques

Un ou plusieurs États parties à la Convention peuvent déposer une requête contre un autre État.

  • , Irlande c. Royaume-Uni : c'est la première fois qu'un arrêt est rendu dans un dossier qui oppose deux États ; la Cour conclut à la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme : interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants.
  • , Chypre c. Turquie (voir l'arrêt complet : « Affaire Chypre c. Turquie » (consulté le )) : la Turquie a violé quatorze fois la Convention européenne des droits de l'homme. Les cas amenant le constat de violation sont le sort de Chypriotes grecs portés disparus, le domicile et les biens des Chypriotes grecs déplacés, les conditions de vie des Chypriotes grecs dans le nord de Chypre et les droits des Chypriotes turcs installés dans le nord de Chypre.
  • , Géorgie c. Russie I (voir l'arrêt complet : « Affaire Géorgie c. Russie (I) » (consulté le )) : la Cour conclut à la violation de la Convention par la Russie pour sa politique d’arrestation, de détention et d’expulsion d’un grand nombre de ressortissants géorgiens en 2006. En réparation aux dommages moraux subis, la Cour condamne la Russie le à verser à la Géorgie 10 millions d'euros. C'est la deuxième fois seulement que la Cour ordonne l'indemnisation des victimes dans le cadre d'une affaire inter-étatique[71].

Le , le gouvernement russe a saisi la Cour pour dénoncer " l’existence en Ukraine d’une pratique administrative, notamment de meurtres, d’enlèvements, de déplacements forcés, d’atteintes au droit de vote, de restrictions à l’usage de la langue russe et d’attaques d’ambassades et de consulats russes ", ainsi que la coupure du ravitaillement en eau de la Crimée et la responsabilité dans la mort des passagers du vol MH17 de Malaysia Airlines (Affaire Russie c. Ukraine, n°36958/21)[72].

Le , quatre jours après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le gouvernement ukrainien a saisi la Cour pour dénoncer des " violations graves et massives des droits de l’homme " et demander des mesures provisoires (Affaire Ukraine c. Russie X, n°11055/22)[73].

Décisions par pays

France

La France a été condamnée 23 fois en 2011 pour avoir enfreint la Convention européenne des droits de l'homme. Soit, depuis la création de la Cour dans les années 1950, un total de plus de 600 condamnations. Les principaux domaines incriminés — qui ont dû faire l'objet d'un réaménagement de la législation française — sont : les conditions de détention, la réglementation des étrangers, le domaine des mœurs et de la famille[74].

Russie

  •  : condamnation de la Russie pour des violations des droits de l'homme en Tchétchénie. Elle devra verser au total près de 170 000 euros à six civils tchétchènes qui avaient saisi la Cour.
  •  : nouvelle condamnation de la Russie pour le meurtre de cinq membres d'une même famille tchétchène à Grozny en . « Affaire Estamirov et autres c. Russie » (consulté le ).

En juin 2022, la Russie a adopté une loi selon laquelle elle n'appliquera pas les décisions de la CEDH prises après le , date à laquelle elle a quitté le Conseil de l'Europe[75]. Au juin 2022, la Russie devait aux plaignants 74 des 148 millions d'euros des dommages et intérêts auxquels elle a été condamnée par la CEDH depuis son adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme, sans compter 1,9 milliard d'euros que Moscou a été condamné à verser aux ex-actionnaires du groupe petrolier Ioukos[76].

Critiques

Historiquement, la CEDH a été très tôt la cible de critiques. Charles de Gaulle ne reconnaîtra jamais réellement la compétence de la Cour européenne au motif que dans un État démocratique aucune institution ne saurait se placer au-dessus du peuple : « En France, la seule Cour suprême, c’est le peuple français. »[77].

L'étendue des pouvoirs de la CEDH a été critiquée comme une diminution réelle de la souveraineté du droit des différents États européens. Pour Pierre Lellouche, la CEDH est passée d'une vocation de protection des libertés fondamentales à une intrusion directe dans de nombreux domaines de la vie publique de chaque État qu'il juge dangereuse notamment en matière de sécurité nationale. Ce « gouvernement des juges » serait un « déni démocratique » d'autant plus « tyrannique puisqu’il n’y a aucun recours possible une fois que la Cour a rendu un arrêt »[78].

Pour Bernard Edelman, la Cour est devenue une « institution tyrannique, aux réactions imprévisibles »[79],[80]. Pour Bertrand Mathieu, la CEDH ne cesse de dépasser son rôle premier et de s'immiscer dans le champ du politique. Il rappelle que « dans une démocratie, c’est au législateur qu’il appartient de définir l’intérêt général ». Ce pouvoir glisse, selon lui, progressivement entre les mains des juges[81].

Les critiques vis-à-vis de la CEDH grandissent à mesure que son ingérence dans les jurisprudences nationales sur les questions de société sont jugées inacceptables par les membres des différents États européens[82]. Après que la CEDH a pris plusieurs décisions en opposition avec les traditions politiques du Royaume-Uni (droit de vote des prisonniers[83]...), en 2012, David Cameron dénonce plusieurs défauts de fonctionnement et le fait que la Cour soit devenue une instance de dernier ressort[84]. Bien qu'opposé au Brexit (2016), le premier ministre du Royaume-Uni s'est servi du référendum comme moyen de pression pour demander des concessions à Bruxelles telle que l'abrogation de la loi britannique qui oblige les tribunaux à appliquer les arrêts de la CEDH[85].

En 2015, cinquante-six députés français de l'Union pour un mouvement populaire dénoncent, dans une proposition de résolution, le « gouvernement des juges » et leur « soi-disant ‘progressisme juridique’ »[86].

Critiques de la droite et de l'extrême droite

Pour le Groupe Plessis, association créée par quelques hauts fonctionnaires en réaction au mariage pour tous[87], la CEDH pose « un véritable problème démocratique ». François Fillon, candidat à l’élection présidentielle française en 2017, adopta ce même discours, menaçant de quitter la CEDH si elle ne se réformait pas[88],[89].

Entre et , la Cour est l'objet de critiques relayées par certains à la droite[90] et à l'extrême droite[91], affirmant qu'elle aurait attenté à liberté d'expression en validant la condamnation d'une Autrichienne pour « dénigrement de doctrine religieuse ». Celle-ci avait parlé de pédophilie, Mahomet ayant épousé Aïcha, alors âgée de six ans et consommé le mariage lorsqu'elle était âgée de neuf ans[92]. Cette condamnation a été justifiée par le fait que cette critique outrepassait le rejet critique et incitait à l'intolérance religieuse, la juridiction autrichienne considérant qu'en voyant dans la pédophilie la préférence sexuelle générale de Mahomet, la demanderesse n'avait pas fait preuve de neutralité historique[93].

Une enquête du lobby conservateur Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), publiée en février 2020, mettant en cause l'indépendance des juges de la Cour, suscite une controverse[94],[95]. En avril 2021, après que des parlementaires ont saisi le comité des ministres, le Conseil de l'Europe se penche sur l'indépendance de la Cour. De nouvelles mesures pourraient être prises d'ici 2024 pour renforcer l'indépendance des juges[96].

Royaume-Uni après le Brexit

Le Royaume-Uni après le Brexit souhaite développer une législation qui lui permette d'esquiver certaines décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. Concrètement, le ministre britannique de la Justice, Dominic Raab, pense que ce n'est pas à la Cour européenne de Strasbourg de « donner des ordres » sur des sujets comme le National Health Service (le service public de santé), la protection sociale ou les forces de police.

Selon lui, ces services publics devraient être régis par des « parlementaires élus », plutôt que par une « législation judiciaire ». Il dit souhaiter que la Cour suprême du Royaume-Uni ait le dernier mot sur l'interprétation des lois du pays. Le ministre a qualifié de « problème grave » le fait que des criminels étrangers utilisent la clause dite de « droit à la vie familiale » de la loi sur les droits de l'homme pour empêcher leur expulsion[97].

Notes et références

Notes

Textes

Autres références

Voir aussi

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Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Ouvrages synthétiques

  • Frédéric Sudre, La Convention européenne des droits de l'homme, Paris, 6e, coll. « Que sais-je ? », , 127 p.
  • Jean-Pierre Marguénaud, La Cour européenne des droits de l'Homme, Paris, 4e, coll. « Connaissance du droit », , 4e éd., 165 p., poche (ISBN 978-2-247-07855-4). 
  • (fr + en) Saisir la Cour européenne des droits de l’homme : Guide pratique sur la recevabilité, Strasbourg, Les Editions du Conseil de l'Europe, , 128 p. (ISBN 978-92-871-7375-1)
  • Laurence Burgorgue-Larsen, La Convention européenne des droits de l'homme, Paris, LGDJ, 2012 (1re éd.), 231 p. (Col. Systèmes).

Ouvrages spécialisés

  • Société québécoise de droit international (SQDI) - Cour européenne des droits de l’homme (Tous les articles)
Monographies
  • Institut de droit européen des droits de l'homme (préf. Frédéric Sudre et Katarzyna Grabarczyk), Le dialogue des juges, Université de Montpellier I, , 480 p., « Les sources internationales dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme »
  • Élizabeth Lambert-Abdelgawad, L'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, Strasbourg, Éditions du Conseil de l'Europe, coll. « Dossiers sur les droits de l'homme » (no 19), , 2e éd., 86 p. (ISBN 978-92-871-6372-1, OCLC 470796648)
  • Les Tribunaux français face à la justice européenne, Chantal Méral, Éditions Filippacchi, .
  • Jean-Pierre Marguénaud, CEDH et droit privé : l'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le droit privé français, Paris, La Documentation française, coll. « Perspectives sur la justice », , 253 p. (ISBN 978-2-11-004662-8, LCCN 2001381608)
Thèses de doctorat
  • Marina Eudes et A. Perone (dir.), La pratique judiciaire interne de la Cour européenne des droits de l'homme, Université Paris X,
  • Élizabeth Lambert-Abdelgawad et Jean-François Flauss (dir.), Les effets des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme : contribution à une approche pluraliste du droit européen des droits de l'Homme, Université Robert Schuman de Strasbourg, , 635 p.
  • Vincent Penard, La presse et la Cour européenne des droits de l'homme, Université d'Aix-Marseille III,
  • Katarzyna Grabarczyk, Les principes généraux dans la Cour européenne des droits de l'homme, Université d'Aix-Marseille III,
  • Frédéric Lazaud (préf. Jean-François Flauss), L'exécution par la France des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, Aix-en-Provence, Presses universitaires d'Aix-en-Provence, , 635 p. (ISBN 978-2-7314-0496-8, LCCN 2006466124)
  • Didier Girard, La France devant la Cour européenne des droits de l'homme, Aix-en-Provence, 2011, 678 p.

Recueils de jurisprudence

  • Vincent Berger (préf. Louis-Edmond Pettiti), Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Paris, Sirey, , 13e éd., 953 p. (ISBN 978-2-247-13570-7, LCCN 2007429261)
  • Frédéric Sudre, Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, Paris, 5e, coll. « Thémis ? », , 854 p.
  • Jean-Loup Charrier, Code de la Convention européenne des droits de l'homme : Textes - Commentaires - Jurisprudence - Conseils pratiques : Bibliographie, Éditions Litec
  • Code de la Convention européenne des droits de l'homme : Textes - Commentaires - Jurisprudence - Conseils pratiques - Bibliographie, de Jean-Loup Charrier, Éditions Litec (Juris Classeur). Indique comment présenter une requête.
  • Extraits clés de jurisprudence - Cour européenne des droits de l'homme - Gilles Dutertre, (2003)

Articles connexes

Europe

Autres textes et institutions

Liens externes

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