Période radioactive

durée nécessaire pour que la moitié des noyaux d'un isotope radioactif se désintègrent

La période (période radioactive quand le contexte prête à ambiguïté) ou demi-vie d'un isotope radioactif est la durée nécessaire pour que la moitié des noyaux de cet isotope initialement présents se désintègrent naturellement. Du point de vue d'un atome isolé, la période radioactive est une propriété probabiliste : c'est la durée à l’issue de laquelle le noyau de l'atome a une chance sur deux de s'être désintégré. Cette propriété ne dépend pratiquement pas[a] des conditions environnantes (température, pression, champs, etc.), mais uniquement de l'isotope considéré. Le nombre d’atomes d’un isotope radioactif qui se désintègrent naturellement pendant une certaine durée ne dépend donc que du nombre d’atomes initial. La décroissance de ce nombre d’atomes suit une décroissance exponentielle.

Les chiffres font référence au nombre de périodes écoulées.

La période se mesure en secondes, l'unité de temps du Système international. Les périodes longues sont fréquemment données en années, il s'agit alors (sauf mention contraire) de l'année julienne (a = 365,25 jours = 365,25 × 24 × 3 600 = 31 557 600 s exactement[b]).

Le choix du terme, période ou demi-vie[c], prête à controverse. Pour certains, demi-vie serait plus approprié à la nature du phénomène puisque la radioactivité n'est pas un phénomène périodique. Pour d'autres, période serait plus approprié parce que la décroissance radioactive se répète, identique à elle-même, durant un temps fixé, et que par ailleurs demi-vie peut aussi prêter à confusion (la durée de vie moyenne d'un noyau radioactif n'est pas égale à deux demi-vies[d]).

Dans un contexte médical ou de santé publique, la période radioactive est quelquefois appelée période physique pour la distinguer de la période (ou demi-vie) biologique, qui est le temps au bout duquel la moitié d’une quantité quelconque d’un isotope radioactif a été éliminée de l’organisme, par excrétion aussi bien que par désintégration radioactive.

Ordres de grandeur

Les demi-vies connues s'étagent de 10−23 s à 1024 ans. Un nucléide n'est considéré comme le noyau d'un atome que si sa demi-vie est assez longue pour qu'un cortège électronique ait le temps de se former (de l'ordre de 10−15 s).

Ordre de grandeur de la demi-vieExemples
IsotopeDemi-vie
Inférieur à la seconde (< 1 s)Hydrogène 72,2 × 10−23 s[2]
De la seconde à la minute (1 s-1 min)Azote 167,13 s
Fluor 2011,163 s
De la minute à l'heure (1 min-1 h)Oxygène 152,037 min
Carbone 1120,38 min
De l'heure au jour (1 h-1 j)Fluor 181,829 3 h
Du jour à l'année (1 j-1 an)Radium 2243,62 j
Radon 2223,823 5 j
De l'année au millénaire (100-103 ans)Sodium 222,605 ans
Cobalt 605,272 ans
Tritium (Hydrogène 3)12,329 ans
Strontium 9028,78 ans
Césium 13730,254 ans
Du millénaire au million d'années (103-106 ans)Radium 2261 602 ans
Carbone 145 730 ans
Chlore 36301 000 ans
Aluminium 26717 000 ans
Du million au milliard d'années (106-109 ans)Plutonium 24480,8 × 106 ans
Uranium 235704 × 106 ans
Du milliard au millier de milliards d'années (109-1012 ans)Potassium 401,28 × 109 ans
Uranium 2384,468 × 109 ans
Thorium 23214,05 × 109 ans
Samarium 147106 × 109 ans
Du millier de milliards au million de milliards d'années (1012-1015 ans)Osmium 18456 × 1012 ans
Indium 115441 × 1012 ans
Du million de milliards au milliard de milliards d'années (1015-1018 ans)Vanadium 50140 × 1015 ans
Du milliard de milliards au million de milliards de milliards d'années (1018-1024 ans)Calcium 48> 6 × 1018 ans
Molybdène 1007,8 × 1018 ans
Bismuth 209(19 ± 2) × 1018 ans
Zirconium 96> 20 × 1018 ans
Tellure 130790 × 1018 ans
Xénon 1241,8 × 1022 ans[3]
Au-delà du million de milliards de milliards d'années (> 1024 ans)Tellure 1282,2 × 1024 ans

Période de quelques noyaux radioactifs

La période peut varier considérablement d'un isotope à l'autre, depuis une minuscule fraction de seconde jusqu’à des milliards d'années et même bien davantage. La plus courte demi-vie jamais observée est celle de l'hydrogène 7, (2,3 ± 0,6) × 10−27 s (deux milliardièmes de milliardième de milliardième, ou deux quadrilliardièmes, de seconde), et la plus longue[e] celle du xénon 124, (1,8 ± 0,6) × 1022 a, soit (18 ± 6) trilliards d'années (1 300 milliards de fois l'âge de l'Univers).

La période des radioéléments naturels varie dans de très grandes proportions allant, pour ceux repris dans le tableau ci-dessous, de 3 × 10−7 s (0,3 µs) pour le polonium 212 jusqu'à 1,405 × 1010 ans (14,05 Ga) pour le thorium 232.

Périodes radioactives de quelques radioéléments naturels
RadioisotopeNotationNuméro
atomique Z
Abondance
relative
Période
radioactive
Rayonnement émis
f−1
Produit
(* = radioactif)
Rubidium 8787Rb3727,835 %47 × 109 aβ87Sr
Rhénium 187187Re7562,6 %43,5 × 109 aα, β183Ta, 187Os
Lutécium 176176Lu712,59 %37,8 × 109 aβ176Hf
Thorium 232232Th90100 %14,05 × 109 aα228Ra *
Uranium 238238U9299,28 %4,5 × 109 aα234Th *
Potassium 4040K190,01167 %1,277 × 109 aβ+, β40Ar, 40Ca
Uranium 235235U920,718 %703,8 × 106 aα231Th *
Uranium 234234U920,0056 %245,5 × 103 aα230Th *
Carbone 1414C6traces5 730 aβ14N
Radium 226226Ra88traces, 100 %1 602 aα222Rn *
Actinium 227227Ac89traces, 100 %21,773 aβ, α227Th *, 223Fr *
Polonium 210210Po84traces138,376 jα206Pb
Thorium 234234Th90traces24,1 jβ233Pa *
Radon 222222Rn86traces, 100 %3,824 jα218Po *
Radon 220220Rn86traces54,5 sα216Po *
Polonium 216216Po84traces0,158 sα212Pb *
Polonium 215215Po84traces1,83 msα211Tl *
Polonium 212212Po84traces0,29 µsα208Pb

L'activité d’un nombre donné d'atomes d'un isotope radioactif, ou activité spécifique, est inversement proportionnelle à sa période radioactive. Plus un corps radioactif a une longue période (ou demi-vie) plus son activité est faible. Par exemple, le plutonium 239 a une longue demi-vie et une faible activité ; le polonium 210 une faible demi-vie et une forte activité.

Dans le tableau ci-dessous Z désigne le numéro atomique (le nombre de protons du noyau) et A le nombre de masse (la somme du nombre de protons et du nombre de neutrons). Le tableau est initialement classé par ordre de période croissante (d’activité spécifique décroissante).

ÉlémentZAIsotopePériode
(s, h, j ou a)
Activité spécifique
(Bq/mol)
Commentaire
Béryllium488Be6,7 × 10−17 s6,23 × 1039Exemple de noyau instable, d’existence « fugitive » ; l’activité spécifique indiquée est très théorique car les quelques noyaux éventuellement formés au cours de réactions nucléaires disparaissent quasi instantanément[f].
s4,173 × 1023Exemple (théorique) d’un radionucléide dont la période serait égale à une seconde.
Molybdène429999Mo65,94 h1,758 4 × 1018Exemple d’isotope très fortement radioactif utilisé dans le domaine médical.
Iode53131131I8,020 7 j6,023 × 1017
Cobalt276060Co5,271 4 a2,509 × 1015
Krypton368585Kr10,76 a1,229 × 1015
Hydrogène133H12,32 a1,073 6 × 1015Cet isotope de l’hydrogène est dénommé tritium.
Strontium389090Sr28,78 a4,596 02 × 1014
Césium55137137Cs30,07 a4,398 85 × 1014La période de 31 ans correspond à l’un des principaux seuils de gestion des déchets radioactifs.
Américium95241241Am432,2 a3,060 5 × 1013
Radium88226226Ra1 602 a8,256 8 × 1012
Carbone61414C5 730 a2,308 4 × 1012
Plutonium94239239Pu24 110 a5,486 2 × 1011
357 500 a3,7 × 1010Exemple (théorique) d’un isotope dont l’activité serait égale à un curie par mole (1 Ci/mol).
Neptunium93237237Np2,144 Ma6,169 5 × 109
Iode53129129I15,7 Ma8,425 1 × 108
Plutonium94244244Pu80,8 Ma1,637 0 × 108Le plutonium lui-même a disparu dans la nature, mais les produits de sa décomposition radioactive sont encore détectables et analysables (« radioactivité éteinte »).
Uranium92235235U703,8 Ma1,879 4 × 107
Potassium194040K1,248 Ga1,059 9 × 1071 Ga (1 milliard d'années) : période au-delà de laquelle on considère comme faible la radioactivité d'un isotope.
Uranium92238238U4,468 8 Ga2,959 9 × 106Pour mémoire, l'âge de la Terre est estimé à 4,58 Ga, à peine moins que l’âge de formation du Système solaire.
Thorium90232232Th14,05 Ga9,414 5 × 105Pour mémoire, l'âge de l'univers est estimé à 13,8 Ga (13,8 milliards d'années).
Samarium62147147Sm106 Ga1,247 9 × 105
Ta13 2301 Ta (= 1012 a = mille milliards d'années) : période au-delà de laquelle un isotope est considéré comme stable. Il peut donc être en réalité radioactif, mais avec une activité spécifique extrêmement faible.
Tellure52123123Te> 10 Ta< 1 323Pour mémoire, 8 000 Bq est l’activité radioactive du corps humain, environ.
1,323 × 1016 a1,0Corps stable, siège d'une radioactivité infime de 1 Bq/mol.
Vanadium235050V1,5 × 1017 a0,088 18Exemple d’un isotope stable dont on a cependant établi la radioactivité (mais extrêmement faible).
Bismuth83209209Bi1,9 × 1019 a0,000 696 2Exemple d’un isotope stable dont on a récemment mis en évidence la radioactivité (quoique infime).

Propriété statistique

La période radioactive d'un isotope radioactif est la durée au cours de laquelle son activité radioactive décroît de moitié pour un mode de désintégration donné. Le terme « demi-vie », généralement utilisé, laisse croire que l’activité d'un isotope radioactif est nulle au bout d'un temps égal à 2 demi-vies. En fait, l'activité n'est alors réduite qu'à seulement 25 % de l’activité initiale (voir le tableau de décroissance de l'activité). En réalité, l'activité A vaut, après demi-vies (que soit entier ou pas), , si bien que l'activité n'est jamais mathématiquement nulle.

C'est une propriété statistique : durée à l'issue de laquelle le noyau d'un atome radioactif aurait une chance sur deux de s'être désintégré suivant le mode de désintégration concerné, si ce mode était seul. Cette propriété à l'échelle du noyau atomique ne dépend pas des conditions d'environnement, telles que température, pression, champs, mais uniquement de l'isotope et du mode de désintégration considérés.

La demi-vie peut varier considérablement d'un isotope à l'autre, depuis une fraction de seconde à des millions, voire des milliards d'années.

L'activité d'un nombre donné d'atomes d'un isotope radioactif, après un temps donné, est proportionnelle à ce nombre et inversement proportionnelle à la demi-vie de l'isotope.

Loi de décroissance radioactive

Nombre de
périodes
passées
Fraction
restante
Pourcentage
restant
 %
01100 %
11/250 %
21/425 %
31/812,5 %
41/166,25 %
51/323,125 %
61/641,562 5 %
71/1280,781 25 %
......
101/1 0240,097 656 %[g]
......
201/1 048 576~ 0,000 10 %[h]
......
78,995 1,660 5 × 10-22 %[i]
......
Demi-vie (médiane) et durée de vie moyenne (espérance) d'une population ayant une décroissance exponentielle.

La décroissance radioactive est un processus de Poisson. La probabilité de désintégration est indépendante du passé et du futur. Pour la dérivation de la loi de probabilité il faut introduire une échelle de temps proportionnelle à la demi-vie. Pour cela on introduit la probabilité cumulative :

,

c'est-à-dire la probabilité que la désintégration se produise après un temps t.

Puisque la désintégration est indépendante de l'instant t, U(t) est aussi la probabilité conditionnelle qu'il y ait une désintégration à l'instant t + s sachant qu'il n'y a pas eu de désintégration avant l'instant s, c'est-à-dire : U(t)=U(t + s)/U(s). Ainsi la probabilité cumulative satisfait cette équation :

Dans le cas d'une fonction mesurable l'unique solution est la fonction exponentielle.Soit un ensemble constitué de N éléments dont le nombre décroît avec le temps selon un taux de décroissance noté . L'équation de ce système dynamique (cf. loi de décroissance exponentielle) s'écrit :

λ est un nombre positif, avec une quantité initiale .

Si on effectue une résolution des équations différentielles à coefficients constants, alors la solution d'une telle équation est la fonction définie par :

Cette fonction décroissante atteint une valeur égale à la moitié de la quantité initiale au bout d'une certaine durée notée . En simplifiant, on obtient alors :

d'où l'on déduit facilement

Cette durée est appelée la demi-vie des éléments de l'ensemble.

Autre formulation simple de l'évolution du nombre de noyaux (N) en fonction du temps :


Remarques

  • Il arrive qu'un isotope radioactif comporte plusieurs modes de désintégration, chacun des modes étant caractérisé par une constante radioactive propre λi. La loi de décroissance exponentielle reste valable, et les constantes de désintégration s'ajoutent (λ = λ1 + λ2 + …). La période radioactive reste égale à T = (Log 2)/λ.
  • Il arrive aussi qu'un isotope radioactif soit produit en même temps qu'il se désintègre. Le carbone 14 par exemple, radioactif, est produit dans la haute atmosphère par les rayons cosmiques et diffuse vers le sol. C'est aussi le cas des isotopes appartenant à une chaîne de désintégration radioactive (l'isotope radioactif considéré est lui-même le produit de la désintégration de l'isotope en amont dans la chaîne). Dans ces cas, la loi exponentielle simple de décroissance radioactive ne s'applique plus (dans l'expression de dN/dt il y a alors un terme de création en plus du terme de décroissance radioactive).

Sources radioactives usuelles

Évolution de l’activité (GBq) d’une tonne de combustible nucléaire irradié en fonction du temps (années, échelle logarithmique).

La plupart des sources radioactives contiennent plusieurs et même parfois un grand nombre d’isotopes radioactifs de périodes diverses. Ce cas est courant, puisqu’il est fréquent qu'un produit de désintégration d’un isotope radioactif soit lui-même radioactif. Dans ce cas, la courbe de décroissance de l’activité est assez éloignée d’une fonction exponentielle décroissante, comme le montre la courbe ci-contre.

La notion de période radioactive n’est donc pas pertinente pour caractériser la décroissance radioactive d'une source usuelle telle que du combustible nucléaire usé ou des déchets radioactifs.

Notes et références

Notes

Références

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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