André Louf
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Ne doit pas être confondu avec André Louf-Decramer.
Abbé Abbaye du Mont des Cats | |
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Guillaume Jedrzejczak (d) |
Naissance | |
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Décès | |
Nom de naissance | Jacques Louf |
Nationalité | belge |
Activité |
Ordre religieux |
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André Louf, né le à Louvain (Belgique) et mort le à l’abbaye du Mont des Cats (France), est un moine trappiste, auteur spirituel de renom, connu pour sa contribution à l'aggiornamento de la vie monastique et spirituelle à la suite du concile Vatican II. Abbé de l’abbaye du Mont-des-Cats durant 35 ans, de 1963 à 1997, il devient ermite après avoir rendu sa charge. De 1997 à 2010, il vécut retiré et solitaire à Simiane-la-Rotonde, en Provence, dans un petit ermitage adossé à l'abbaye de Sainte-Lioba. Sa personnalité et ses écrits l'ont imposé comme l'un « des maîtres spirituels du christianisme contemporain »[1], « l'une des plus grandes figures spirituelles de l'époque contemporaine »[2].
Jaak, qui est le prénom de baptême et d'état-civil d'André Louf (André sera le prénom qu'il choisira pour sa vie monastique), est issu du mariage du poète belge André Louf-Decramer avec Elvire Decramer. Il naît le à Louvain, en Belgique, mais grandit en fait avec ses deux sœurs, Lieve et Maria, à Bruges où, dès 1930, son père s'installe comme avocat. Très marqué par les mouvements de jeunesse catholique dans lesquelles il s'investit beaucoup, et par les humanités classiques qu'il a reçues de ses professeurs jésuites au collège Saint-Louis de Bruges, André Louf entre à l’abbaye du Mont des Cats en 1947, à l’âge de 17 ans. Le , il prononce ses vœux définitifs. Un an après, le , il est ordonné prêtre. Son père abbé l'envoie alors parfaire ses études à Rome, où il passe trois années, de 1955 à 1958 : une année de théologie à l’Université grégorienne, et deux ans d'études des Écritures Saintes à l'Institut biblique pontifical, où il s'initie à l’exégèse universitaire et critique[3]. C'est aussi à Rome, à travers l'apprentissage du syriaque, qu'il se plonge dans les sources de la vie monastique, les écrits des Pères de l'Église qui sont en train d'être redécouverts à cette période. Alors moine de l'abbaye de Bellefontaine, le père Placide Deseille se lie d'amitié avec lui autour de cette passion commune pour l'Orient chrétien et la spiritualité des Pères[4].
En 1959, de retour dans son abbaye, André Louf se voit confier la direction des Collectanea cisterciensia, l'importante revue de spiritualité et d'histoire de l'ordre cistercien[5]. Il positionne la revue aux avant-postes de l'aggiornamento, faisant publier des articles où la tradition monastique est fécondée par les attentes et les données de la culture contemporaine. Il oriente aussi la publication vers toujours plus de rigueur scientifique. C'est dans cet esprit, pour faire de la revue un intermédiaire respecté du monde universitaire, qu'il crée dès 1959 le Bulletin de Spiritualité monastique, une rubrique d'une vingtaine de pages qui recense, en une synthèse problématisée, la plupart des livres qui paraissent dans le domaine de l'histoire monastique. Ce bulletin, considéré encore aujourd’hui comme « une mine pour les chercheurs »[6], asseoit le prestige de la revue dans le monde universitaire.
Élevé à une époque où une spiritualité très volontariste dominait le christianisme, Louf est imprégné par une culture de l'exploit, du salut acquis par ses efforts, sa générosité. « Sa première représentation de la vie monastique était héroïque : toujours plus d'effort, de transpirations, de larmes », témoigne un moine bénédictin qui l'a bien connu[7]. Cela va le conduire jusqu'aux limites de sa résistance, l'obligeant à calmer ses ardeurs. « Pour celui qui a mis un point d'honneur à devenir un bon moine de carte postale, cet échec est humiliation », écrit son biographe, qui ajoute : « Cette épreuve le libère du mythe du moine-champion qui hantait son imaginaire, et lui fait entrevoir autre chose : non plus cette ascèse de générosité qu'il pratiquait comme un athlète, mais l'ascèse évangélique, celle de la faiblesse, de la fragilité, destinée à révéler les abîmes de pauvreté qui se cachent en chacun pour les étaler humblement devant la miséricorde de Dieu »[8]. De fait, c'est au cœur de l'impasse, de l’impuissance, de l'échec, qu'il fait une expérience inoubliable. « J'étais à genoux dans les stalles de l'abbatiale, a-t-il témoigné, quand j'ai compris comme une évidence l'amour infini de Dieu pour moi. Ce fut une expérience bouleversante, comme si Dieu avait voulu me montrer son vrai visage, sa pure et infinie miséricorde. Cette expérience bouleversante a transformé ma vie de foi. »[9].
Le , André Louf est élu abbé du Mont-des-Cats à l'âge de 33 ans. Comme il n'a pas l'âge canonique (35 ans), il obtient une permission spéciale de Rome. Pour exprimer l'esprit avec lequel il veut exercer sa charge, il choisit une devise et un cri. La devise abbatiale est une expression inspirée des textes primitifs de Cîteaux : Cum Christo paupere, qui signifie « avec le Christ pauvre ». Pour Lui, il s'agit moins de pauvreté matérielle que de sa volonté d'être un abbé qui ne met pas sa confiance en ses propres forces, mais attend tout de la grâce, comme un pauvre de cœur, un pauvre en esprit[10]. Le cri est celui du Christ au moment de son agonie : « In manus tuas », « en tes mains »[11]. Il occupera ce ministère abbatial durant trente-cinq ans de 1963 à 1997. Père spirituel de la communauté, il fait de l'abbaye flamande, par le rayonnement de son enseignement et de sa personnalité, « l'un des lieux les plus significatifs de l'inspiration chrétienne en Occident »[12].
Élu abbé alors que Vatican II vient de commencer, André Louf fait partie de cette génération d'abbés qui a été chargée de faire passer le souffle du Concile Vatican II, non seulement dans leur abbaye, mais dans les structures et la vie de l'ordre trappiste. De fait, beaucoup des textes qui ont redéfini la vocation cistercienne et remodelé ses structures à la lumière des intuitions de Vatican II, portent sa marque. Dans une récente histoire de la Trappe, il est cité, avec Thomas Merton, dont il était proche, parmi ces quelques moines qui ont contribué à « la grande œuvre de rénovation spirituelle de l'Ordre »[13] au XXe siècle.
Devenu l'un des "ténors"[14] de l'ordre cistercien, André Louf attire l'attention des papes. Appréciant sa stature intellectuelle et sa sensibilité contemplative, plusieurs d'entre eux font appel à lui. C'est le cas, par exemple, de Paul VI qui lui demande de rédiger le Message des religieux contemplatifs au Synode des évêques qui suit le Concile Vatican II, en 1967[15], ou de Jean-Paul II qui l'invite à composer la méditation du chemin de croix au Colisée, à Rome, en 2004[16].
Parallèlement à sa charge abbatiale, ce polyglotte (il parle plus d'une dizaine de langues, dont plusieurs langues anciennes), se fait connaître pour ses travaux d'érudition. Il participe au renouveau des études patristiques par un travail scientifique sur les écrits des premiers Pères du monachisme et de certains mystiques occidentaux. Il traduit ainsi les œuvres complètes du spirituel flamand Ruysbroeck, mais aussi certains écrits de la mystique syriaque du VIIe siècle, dont ceux d'Isaac de Ninive ou de Syméon de Taibouteh. Il est aussi la cheville ouvrière de la publication des œuvres complètes de saint Bernard de Clairvaux aux « Sources chrétiennes »[17].
Intéressé par la psychologie qui fait des avancées considérables dans les années 1970, il fait partie des quelques pionniers qui ont essayé de ressourcer la vie spirituelle avec les récents acquis de cette psychologie, notamment celle des profondeurs. Son livre La grâce peut davantage. L'accompagnement spirituel[18] montre comment la psychothérapie, étymologiquement « guérison de l'âme », peut féconder l'expérience spirituelle, en déblayer le terrain.
En 1994, il reçoit un doctorat honoris causa décerné par l'Université catholique de Louvain à des personnalités qui « par leur choix et leur mode de vie ouvrent à l’humanité de nouvelles pistes d'espérances »[19]. À travers ce titre, l'Université veut d'abord honorer l'érudit, l'homme de savoir dont l’œuvre tente d'ébaucher un dialogue entre la tradition chrétienne et les sciences humaines. Pour saluer cet effort de dialogue entre la foi et la pensée critique, c'est le philosophe Paul Ricœur qui est désigné pour parrainer la remise de prix[20].
André Louf s'est beaucoup impliqué dans le dialogue œcuménique, notamment avec les orthodoxes. Sa contribution a d'abord été intellectuelle. Ses recherches ont notamment cherché à jeter des ponts entre les Églises, en révélant les parentés reliant les spiritualités catholiques et orthodoxes, ou en faisant connaître, par ses traductions, la richesse spirituelle de l'Orient chrétien en Occident. Mais la dialogue s'est aussi orienté vers des relations d'homme à homme, à travers des amitiés nouées avec les représentants des Églises orthodoxes, notamment avec le métropolite Hilarion dont il a traduit plusieurs livres[21]. À partir des années 2000, André Louf participe assidûment aux colloques œcuméniques internationaux qui se tiennent chaque année au monastère de Bose, en Italie[22].
André Louf promeut la voie d'un « œcuménisme spirituel »[23]. Selon lui, c'est moins par la recherche de clarifications doctrinales qu'à travers le renforcement des liens spirituels que le dialogue progressera. Par de tels liens qui se nouent autour du partage de leur expérience d'ascèse et de prière, argumente-t-il, les frères séparés peuvent ressentir combien, au-delà des différences secondaires, ils communient à la même grâce.
Son premier livre Seigneur, apprends-nous à prier, sorti en 1972, l'impose comme l'un des maîtres spirituels du christianisme. Traduits dans le monde entier, ses livres, qui cherchent à traduire la tradition de la mystique chrétienne dans le langage contemporain, vont former toute une génération de chrétiens à la vie spirituelle, à la méditation de la Parole de Dieu, et à la prière.
Dans Initiation à la vie spirituelle, l'un de ses derniers livres, il retrace de façon pédagogique les trois étapes de l'itinéraire de l'âme vers Dieu - active, passive et unitive -, insistant sur le fait que cette union à Dieu n'est pas réservée à une élite triée sur le volet mais représente la prérogative de tout croyant.
En 2017, un livre révèle et documente, notamment en s'appuyant sur le journal spirituel d'André Louf retrouvé aux archives du Mont des Cats, les douloureux tiraillements vocationnels du moine[24]. Durant près de trente ans, André Louf, dont la vie était marquée par l'enseignement, l'apostolat, le rayonnement, les voyages, a été tourmentée par une vocation concurrente : se retirer de toute cette activité pour devenir ermite, voué à la prière solitaire et continuelle. En 1962, il fait des démarches pour entrer chez les camaldules, une congrégation d'ermites fondée en Italie, et dix ans plus tard, en 1972, il frappe à la porte de la Grande Chartreuse qui ne l'accepte pas. C'est en 1997, après avoir démissionné de sa charge d'abbé, qu'il accomplit ce rêve de jeunesse en devenant ermite à l'abbaye de Sainte-Lioba, en Provence.
En 1997, après sa démission, André Louf trouve refuge à l'abbaye bénédictine de Sainte-Lioba[25], en Provence, où la communauté transforme à son intention l'ancienne étable d'un âne en ermitage[26]. Il passe là les douze dernières années de sa vie, dans le face à face avec Dieu. « La grandeur de sa vie est que son chemin l’a conduit à cette paix du cœur et à cette pauvreté d’esprit qu’il avait annoncées durant plus de quarante ans dans ses écrits », témoigne un moine bénédictin qui l'a fréquenté à cette période[7].
En 2010, pour des raisons de santé, il revient à l'abbaye du Mont des Cats. Il loge à l'infirmerie où il meurt le . Ses dernières paroles, entendues par l'infirmier, sont : « Christus, Christus, Christus ». L'enterrement a lieu deux jours plus tard, le . André Louf repose au cimetière de l'abbaye.