Les héros et les héroïnes sont des personnages réels ou fictifs de l'histoire, exemplaires de la mythologie humaine ou des arts, dont les hauts faits valent qu'on chante leurs gestes. Ces derniers, magnifiés par la légende dorée des hagiographes, sont passés dans la légende populaire. Les caractéristiques du héros peuvent être physiques (force, vitesse, endurance ... etc.) ou spirituelles (courage, esprit de sacrifice, lutte pour ses idéaux ou dévouement envers ses semblables).
Par extension, le terme « héros » ou « héroïne » désigne le personnage principal d'une œuvre de fiction, quelles que soient les qualités dont il fait preuve. Si sa conduite ne correspond pas à un idéal (par exemple, s'il est lâche ou cupide), ce héros peut être qualifié d'antihéros.
Le mot « héros » circule largement dans l’espace public contemporain : dans des publicités, des discours politiques, des chroniques d’actualité, des ouvrages de conseils de vie.
Dans le monde indo-européen, la conception sous-jacente au terme de héros remonte à la préhistoire. Selon Jean Haudry, elle est née initialement à la « traversée de l'eau de la ténèbre hivernale », à la « conquète du soleil » et à l'« obtention de l'année »[1]. Ainsi, la principale particularité d'Héraclès, par delà le foisonnement des cultes et des légendes, est sa conquête de l'immortalité, ce qu'il nomme la conquête de l'Année (Héra). Ses derniers travaux sont une victoire sur la mort et sa fin symbolise une conquête de l'immortalité solaire[2]. La concordance entre le grec Hēraklễs et le russe Jaroslav montre que la « conquète de l'année » s'est incarnée dans un personnage mythique[1].
Pour Venceslas Kruta, « la consécration du héros marque donc l’aboutissement du long processus de désagrégation de la société néolithique, où l’individu n’avait pas d’existence en dehors du cadre communautaire. Profondément enracinée, cette condition commencera probablement à être ébranlée, à la suite de l’impact d’idées nouvelles, dès la seconde moitié du IIIe millénaire avant J.-C.»[3]
Par la suite, lors de la « société héroïque »[4], le but n'est pas l'immortalisation par la « voie des Pères », par le souvenir des ancêtres au sein du lignage, mais l'immortalisation par la « gloire impérissable » κλέος ἄφθιτον / kléos áphthiton[1],[5]. Contrairement à l'homme du commun, le héros choisit son destin, celui d'une vie glorieuse, mais brève. C'est le choix d'Achille, de Sigurd, de Cúchulainn et du Sanasar de l'épopée arménienne[6].
Un nouveau rapport s'établit entre les hommes et les dieux : il y a désormais des divinités protectrices non plus d'un lignage comme précédemment, mais d'un individu, le héros[6].
L'appartenance sociale de la société héroïque est, pour une part, contractuelle. Le compagnonnage est le substitut du lignage : les Fianna irlandais rompent tout lien avec celui dont ils sont issus. Les sociétés secrètes se multiplient. Les principales innovations historiques liées aux sociétés héroïques sont la constitution d'un compagnonnage royal qui avec le temps deviendra une cour ; la constitution de bandes de jeunes guerriers qui ont une divinité d'élection, Rudra en Inde, Apollon en Grèce[7], *Wōdanaz dans le monde germanique[8],[9]. Contrairement à la société lignagère qui était économe afin de préserver l'héritage familial, la société héroïque est prodigue : le seigneur doit rétribuer largement ses compagnons sur lesquels repose sa puissance, le personnel officiant qui lui assure la protection des dieux et les poètes qui assoient sa réputation[10].
Mise au second plan par la cité de l’Antiquité classique, qui pour l’essentiel prolonge la société lignagère, le Moyen Âge européen est pour une part le prolongement de ces conceptions.
Les héros des temps antiques sont, soit mythiques, ayant une parenté directe avec le panthéon (c'est le cas d'Héraclès), soit légendaires, auquel cas ils sont fréquemment liés à un dieu tutélaire.
Le rapport est inversé : ce sont les hauts faits des hommes lors de leur vie qui les divinisent après leur disparition, les rendant immortels dans la mémoire de leurs héritiers.
La fonction du héros évolue ; il devient, pour l'admiration des populations, relais de la fusion du pouvoir régulier et séculier réalisée en la personne du suzerain. Homme-lige, le héros donne donc par son geste de la légitimité à son seigneur.
Ses valeurs sont le courage et des vertus semblables à celles de la chevalerie; dirigeant ou inspirant les armées, ils leur servent de modèle.
Grâce aux effets produits par la littérature, le héros emblématique devient fictionnel, tel Don Quichotte en Espagne.L'époque ultérieure des grandes découvertes donne au monde une nouvelle sorte de héros : l'aventurier.
Les exploits étant écrits et non plus seulement oraux, par des journalistes autant que par des écrivains, le héros perd son caractère légendaire pour devenir plus réaliste et éphémère. Restent bien sûr les héros fictionnels qui perdurent.
Les héros de transition, aussi légendaires que réalistes :
Dans l’espace public contemporain, la notion de « héros » ou d’« héroïsme » s’applique à des champs très hétérogènes et a fait l'objet de recherches en sociologie et sémiologie pour comprendre les ressorts de la valeur "héros" (Debien 2020, Fournout 2019, 2022, Barbéris 2022, cités en bibliographie).
Dans Le nouvel héroïsme, puissances des imaginaires, Olivier Fournout parle d’« héroïcomanie contemporaine » (2022, p.18, 70). Il en décrit et analyse différentes déclinaisons :
dans la publicité : cf. par exemple tous-les-héros.com (vêtements), « Burberry Hero » parfum pour homme (2021), autohero.com, ou encore les porteuses de soutiens-gorges Simone Pérèle « Nouvelles héroïnes » (2021)…
dans les entreprises : dans des manuels de management, il est question de « créer des héros dans tous les rôles », on y parle de « hero CEOs », d’« héroïsme cool », les patrons d’entreprises sont présentés comme des « héros » (Pierre Gattaz, patron du MEDEF, le 29 mars 2016 sur France Info).
face aux enjeux autour de l’écologie : dans le Guardian weekly (21/07/2017), les « héros environnementaux » sont préférés aux discours catastrophistes ; Camille Etienne, porte-parole de l’ONG « On est prêt », relève, dans un clip écologiste (Réveillons-nous, 2020), que « nous avons été des héros en pyjama » lors du premier confinement, qui entraîna une diminution des transports et donc de l’empreinte carbone de mars à juin 2020.
en politique : présentant son action de Président, Emmanuel Macron annonce « Nous devons renouer avec l’héroïsme politique » en page de couverture du magazine Le Point (31/08/2017). Quelques mois plus tard, il qualifie Johnny Hallyday de « héros français » (6/12/2017).
La liste des « héros » contemporains se complète :
Les héros patriotiques et nationaux :
le nouveau chef d’état-major français est qualifié de « héros » par la presse lors de sa nomination (19/07/2017)
Les héros qui ont donné leur vie dans le cadre de leur service : colonel Arnaud Beltrame
Les héros de la société :
certains membres de professions reconnues pour leur abnégation, tels que les pompiers, sauveteurs, infirmières, policiers, etc., et en particulier le personnel médical dans son ensemble pendant les premiers temps de l’épidémie de Covid ;
les défenseurs des biens et valeurs communs comme l'environnement ;
les sportifs qui effectuent des exploits physiques.
Cinéma : les héros des époques précédentes ont fourni une manne d'inspiration pour le cinéma, inutile d'en dresser la liste (se référer plutôt à chaque biographie).
Apparus assez récemment dans l'histoire et la montée en puissance de la littérature fantasy, les héros incarnent ici des personnes courageuses, porteuses de valeurs telles que le courage, l'espoir, l'abnégation. Souvent, le lecteur peut ou tente de se reconnaître dans ces personnages marquants.
Néo alias Thomas A. Anderson, héros de la série Matrix qui lutte pour extirper la population d'un monde virtuel.
Katniss Everdeen, personnage de The Hunger Games qui crée une révolution contre l'injustice que connaissent les districts de son pays.
Percy Jackson, demi-dieu luttant contre la renaissance du Titan Cronos et qui tente de sauver le monde.
Le Docteur (Doctor Who), extraterrestre consacrant sa vie à sauver les populations de diverses planètes (incluant la terre).
Batman, personnage de comics qui lutte pour sauver sa ville, Gotham City.
James Tiberius Kirk, personnage de la célèbre série de science-fiction utopique Star Trek et qui participa à six films qui ont fait suite à cette série ainsi que trois nouveaux films réalisés par J. J. Abrams et puis par Justin Lin.
Philippe Lombard, Pourquoi Sherlock s'appelle Sherlock. L'origine insolite des noms de héros de fiction, Éditions Omnibus / L'Express-Roularta, , 310 p. (lire en ligne)
Christophe Debien, Nos héros sont malades, Humensis, , 194 p. (lire en ligne)
Olivier Fournout, Le nouvel héroïsme, puissances des imaginaires, Paris, Presses des Mines, , 209 p. (ISBN978-2-35671-691-0, lire en ligne)
Olivier Fournout, « L’héroïcomanie hypermoderne : le cas Trump », in Garnier A., Martinez M.-L. (dir.), « La victime émissaire dans l’hypermodernité », Recherches & Educations, n°20, oct. 2019 (lire en ligne)
Isabelle Barbéris, « L’héroïsme pour tous, figure du capitalisme tardif », nonfiction.fr, 18 janvier 2022 (lire en ligne)