La ville de Tolède est située dans le centre de l'Espagne, à 70 km au sud-ouest de Madrid. Elle est arrosée par le Tage. Son territoire municipal s'étend sur 232 km2 et son altitude moyenne est de 529 m.
Des restes archéologiques de l'âge du bronze ont été découverts sur la colline Cerro del Bu. Cette forteresse naturelle imprenable dominant les alentours est desservie par le Tage, qui a protégé les habitants de ce lieu pendant très longtemps. Cela leur a assuré une certaine prospérité ; en effet, de nombreux objets ornementaux en bronze, argent et or y ont été trouvés.
Le village s'est agrandi en occupant de plus en plus l'autre rive de la rivière, la colline de l'Alcázar. C'est ici que se forme l'histoire de la ville elle-même en devenant, tour à tour, acropole, forteresse et, finalement, palais et zone militaire.
En 192 av. J.-C., les Romains fondèrent la ville de Toletum[réf. nécessaire], qui devient par la suite Tolède, et y laissent de nombreuses traces à travers des constructions dont il reste encore aujourd'hui des ruines. La ville de Tolède est citée pour la première fois par l'historien Tite-Live qui la qualifie de « petite ville fortifiée »[1].
Le , en pleine Reconquista, les chrétiens dirigés par le roi Alphonse VI de Castille reprennent Tolède aux musulmans. À la chute de la Taïfa (émirat d'al-Andalus), la ville était peuplée d'environ 30 000 personnes[3]. Le roi musulman accepte la reddition de la ville en échange de garanties négociées pour les musulmans. En écho au statut de dhimmi imposé précédemment par les musulmans aux non-musulmans, le statut de mudéjar prévoit qu'en échange d'un impôt spécifique pour les non-chrétiens, leurs biens sont garantis[4],[Note 1].
Au XIIe siècle, la ville devient un centre de traduction très réputé, et un lieu de rencontres entre les savants des trois grandes religions chrétienne, juive, musulmane mais la plupart des élites musulmanes s'est exilée et les Juifs tiennent alors un rôle majeur dans la traduction de la science gréco-arabe et dans les fonctions d'administration[6].
Entre les XIIe et XVIe siècles, Tolède devient une des capitales de Castille et une des plus riches et puissantes villes d'Espagne. La reine Jeanne la Folle y naît le , et c'est dans cette ville qu'elle et son époux, Philippe de Habsbourg, futur Philippe Ier de Castille, sont désignés comme héritiers de la Couronne. Lors de la guerre des Communautés de Castille, Tolède est une des premières villes à se rebeller sous la houlette de Pedro Laso de la Vega (es) et Juan de Padilla. Après la défaite des communiers à la bataille de Villalar, María Pacheco, veuve de Padilla, oppose une résistance réelle jusqu'à la remise des armes en 1522. C’est là que l’empereur Charles V installe le siège de la Cour. En 1561, Tolède est abandonnée dans ce rôle au profit de Madrid à l'initiative de Philippe II.
Lorsque la guerre civile se déclenche, Tolède est située dans une zone républicaine. Pendant la guerre civile espagnole, Tolède est le théâtre de combats autour de l'Académie militaire de l'Alcazar. C'est là qu'eut lieu le siège de l'Alcazar de Tolède (1936) resté célèbre, où des troupes nationalistes résistèrent à un siège de près de 70 jours mené par les troupes républicaines. Elles ont été secourues le 28 septembre 1936 par les troupes du général Varela, et après trois mois d'intenses combats, le colonel Moscardó, commandant de la place, prononça un mot resté célèbre aux troupes nationalistes venues le secourir : « Sin novedad en el Alcazar » (« rien à signaler dans l'Alcazar »), phrase alors conventionnelle dans l'armée espagnole.
Tolède était particulièrement réputée pour sa production d'acier et notamment pour ses épées. Ces techniques y avaient été importées de Perse par les musulmans. La ville est aujourd'hui encore un centre important de production de couteaux et autres objets en acier.
Des facteurs tels que l'augmentation du prix des logements à Madrid et l'amélioration des liaisons avec la capitale espagnole (Tolède est à seulement vingt minutes de la gare d'Atocha par le train à grande vitesse AVE) expliquent que la population tolédane a augmenté de près de 20 % ces dix dernières années. Elle est en effet passée de 68 537 personnes en 2000 à 82 489 en 2010.
Lors des élections municipales du , la ville de Tolède comptait 84 282 habitants. Son conseil municipal (Pleno del Ayuntamiento) se compose donc de 25 élus.
Composition du conseil municipal par mandature depuis 1979[7]
Tolède est desservie par un réseau dense de grands axes routiers dont les autoroutes A-42 depuis Madrid et CM-42 depuis l'Andalousie, auxquelles s'ajoutent les routes nationales N-400 depuis Cuenca, N-401 depuis Ciudad Real et N-403 depuis Castille-et-León. La gare de Tolède relie la ville à Madrid et au reste du pays.
La cathédrale de Tolède commencée en 1227 sous le règne de Fernando III a la particularité d'être construite selon le style du gothique français. Elle ne sera pas achevée avant la fin du XVe siècle avec des ajouts de style espagnol. Le dôme qui remplace la seconde tour a été dessiné par Jorge Manuel Theotocopouli, le fils du Greco. Le maître-autel est un retable de style flamboyant polychrome qui raconte la vie du Christ. Le chœur contient une série de stalles en bois des XVe et XVIe siècles dues à Rodrigo Alemán, la partie supérieure en albâtre est due à Berruguete et à Philippe de Bourgogne. On trouve également une vierge en marbre chef-d'œuvre d'art français gothique. La sacristie contient des œuvres du Greco (Expolio), Titien, Velazquez, Morales et Caravage.
L'Alcázar de Tolède est un édifice du XVIe siècle de forme rectangulaire placé dans la partie la plus haute de la ville, avec une grande esplanade centrale et quatre tours aux quatre angles, aux murs en granit, et qui apparemment fut le siège du protectorat romain de la cité, et postérieurement, un palais wisigothique, puis une forteresse arabe.
Construit autour d'un patio plateresque, l'hôpital des enfants trouvés a été commandité par la Reine Isabelle la Catholique aux architectes Enrique Egas et Covarrubias. Transformé en musée, il contient une collection de peintures des XVIe et XVIIe siècles, Greco, Ribera, Morales… Il contient également des pièces archéologiques et d'arts décoratifs en particulier des azulejos.
Tolède a accueilli le peintre Le Greco dans la dernière partie de sa vie à partir de 1577 jusqu'à sa mort en 1614. La ville est le thème de plusieurs de ses tableaux les plus célèbres dont l'Enterrement du comte d'Orgaz qui est exposé dans l'église de Santo Tomé. Dans la « maison du Greco » qui est un pastiche du XVIe siècle, l'atmosphère de la vie du peintre a été reconstituée avec quelques meubles et un mélange de tableaux authentiques et de copies.
Le poète espagnol Lope de Vega (1562-1635) y résida également.
La gastronomie tolédane se caractérise surtout par l'importance du gibier. Il existe en effet différentes façons de préparer la perdrix notamment à l'escabèche ou à l'étouffée. La première est consommée froide, alors que la seconde recette est mijotée avec de l'oignon, de l'ail et du laurier[9]. Un autre plat connu venant de Tolède et les Carcamusas, parmi lesquelles se distinguent le lapin à l'ail, chasseur, au charbon de bois, Tojunto ou au riz.
Certains plats tolédans peuvent servir d'entrée, comme la soupe à l'ail ou le gaspacho, soupe froide composée d'eau, d'huile, de tomate et de concombre, d'origine paysanne et qui est essentiellement consommée les jours de chaleur.
À Tolède on trouve évidemment les vins et fromages de La Manche, dont certains sont célèbres. La Castille-la-Manche consacre 700 000 hectares au vignoble et à sa propre appellation. Par ailleurs, le fromage dit queso manchego produit à partir de lait de brebis de la Manche et obtenu après une période de maturation d'au moins sept mois est aussi un produit célèbre originaire de la région. Il existe à la fois des manchegos produits à partir de lait pasteurisé et des manchegos porteurs de l'Appellation d'Origine Contrôlée (appelée Denominación de Origen en Espagne), produits à partir de lait cru[10],[11].
Enfin, la friandise la plus célèbre de Tolède est bien entendu le massepain[12]. Il s'agit de la pâte fine et compacte obtenue à partir d'amandes crues, pelées et moulues. La présentation finale est obtenue par le moulage manuel ou mécanique de la pâte d'amandes, une cuisson au four et parfois un fourrage ou un glaçage.
Chaque année lors de la Fête-Dieu (Corpus Christi en espagnol), entre mai et juin, une importante procession religieuse traverse le centre historique[13].
La vieille ville de Tolède se trouve en haut d'une montagne et on peut y voir de nombreux monuments historiques dont la citadelle, la cathédrale et le Zocodover (de l'arabeSuk-al-dawab, marché aux bestiaux, le marché central).
Tolède fut le lieu de réunion de dix-huit conciles, assemblées politico-religieuses tenues entre les années 400 et 702, tous, excepté le premier, datent de l'époque de la domination des Wisigoths ; plusieurs statuent sur la façon de forcer les Juifs à la conversion. La ville reste le premier siège épiscopal de la péninsule. Le Musée des Conciles et de la culture wisigothe a été ouvert en 1969 dans l'église San Román ; il contient des codex en lettres wisigothiques et des exemples de découvertes archéologiques, orfèvrerie et bijouterie, en provenance tant de la ville de Tolède que de la province[14].
Capitale du Royaume Wisigoth, Tolède est soumise tardivement au Califat de Cordoue (932). Tolède devient capitale de la taifa de Tolède après la guerre civile (1011-1031), qui s'étend à l'ouest et s’unit à celle de Valence (1064) afin d'annexer la Taïfa de Cordoue et reconstituer al-Andalus. Ces conflits incessants génèrent une instabilité chronique.
Les communautés juive, musulmane et chrétienne cohabitent sous la domination des musulmans. Les juifs et les chrétiens, "gens du Livre, ahlu-l-kitab" (Bible) ont un statut de dhimmis (protégés, conformément aux termes du Coran) moyennant une redevance, un statut inférieur à celui des sujets musulmans[15]. La situation concrète des différentes religions est de fait mal connue. Durant la période califale et la Taïfa, on perd toute trace écrite de présence chrétienne (893-1067). Les juifs vivaient dans des quartiers séparés[16].
La ville est finalement conquise par les Castillans en 1085. Ce qui reste du rite mozarabe est balayé sans ménagement par l'ordre de Cluny qui détruit en autodafé les ouvrages liturgiques mozarabes pour appliquer la réforme grégorienne. La mosquée est transformée en cathédrale (1086), les deux synagogues sont construites en 1180 et 1357. Commence une période connue comme convivencia pacifica où cohabitent les trois religions sur le même modèle que durant la période musulmane où il est néanmoins mieux documenté (voir convivencia). À la fin du XIIIe siècle, juifs et musulmans sont sommés de se convertir au christianisme, ceux qui refusent sont persécutés, exécutés ou expulsés d'Espagne par l' Inquisition à partir du XIVe siècle. Les synagogues sont alors transformées en églises.
(es) Fernando Marías, La arquitectura del Renacimiento en Toledo (1541-1631) - II, C.S.I.C., 1985 ; p. 378 (ISBN84-00-05898-4) (aperçu).
(es) Fernando Marías, La arquitectura del Renacimiento en Toledo (1541-1631) - III, C.S.I.C., 1986 ; p. 350 (ISBN84-00-06175-6) (aperçu).
(es) Fernando Marías, La arquitectura del Renacimiento en Toledo (1541-1631) - IV, C.S.I.C., 1986 ; p. 310 (ISBN84-00-06176-4) (aperçu).
Emmanuelle Tixier du Mesnil, « La tolérance andalouse a-t-elle existé ? », Histoire, Paris, no 457, .
« Chrétiens, Juifs et Musulmans en Espagne : le mythe de la tolérance religieuse (VIIIe – XVe siècle) », L'histoire, no 137, (lire en ligne, consulté le ).