Pacifisme

opposition à la guerre et à la violence

Le pacifisme possède deux acceptions possibles incluant l'action des partisans de la paix, ou une doctrine de la non-violence. Bien que reliés, les deux concepts se distinguent du point de vue de la théorie et de la pratique. Le pacifisme est la doctrine et l'action des partisans de la paix ou du rétablissement de la paix. Les socialistes d'avant 1914 (Jean Jaurès), les Zimmerwaldiens durant la Première Guerre mondiale, les opposants aux guerres coloniales ou les partisans de la paix professent un pacifisme qui n'est pas toujours assimilable à la non-violence. La vision du pacifisme associé à une personne refusant le recours à toutes formes de violence est par contre beaucoup plus répandue.

Symbole de la paix, Peace and love, largement associé au pacifisme.
Des rencontres pour la paix se tiennent régulièrement à Assise, en Italie.
Avignon, manifestation pour la paix au Liban, .
Londres, manifestation pour la paix en Irak, .
« Maudite soit la guerre » sur le monument aux morts pacifiste de Gentioux, 1922 (Creuse).

La doctrine de la non-violence voit de nombreux courants philosophiques bannir le recours à toute forme de violence en vertu d'un pacifisme radical. Vision portée par de nombreux mouvements et courants de pensée à vocation générale (courants de pensée humaniste, plusieurs tendances inspirées de l'hindouisme, courants chrétiens, etc.).

Histoire

Fin du XIXe siècle

En Europe, à l'aube du XXe siècle, les courants majeurs[1] du pacifisme sont :

  • Le courant de la paix par le Droit marqué par le premier Congrès universel pour la paix qui se tient en 1889 à Paris en marge de l'Exposition universelle, suivi des conférences internationales de La Haye à partir de 1899 et la création de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye.
  • Le courant pacifiste des milieux d'affaires : « il faut 50 ans de paix pour se guérir de quelques années de victoire. »
  • Le courant pacifiste chrétien des églises protestantes anglo-saxonnes ou allemandes.
  • Le courant pacifiste socialiste avec deux tendances en France : l'une antimilitariste et antipatriotique (Gustave Hervé), l'autre antimilitariste mais patriote (Jean Jaurès). Lors de la déclaration de guerre, alors que Jaurès est assassiné, la quasi-unanimité des socialistes se rallie à l'Union sacrée, jusqu'en 1917, où la lassitude vis-à-vis du conflit redonne une certaine audience aux idées pacifistes de la Gauche. Joseph Caillaux propose une paix sans annexions ni indemnité. Il est arrêté en janvier 1918 sous l'inculpation « d'intelligence avec l'ennemi » et de « complot contre la sûreté de l'État ».

XXe siècle

Selon l'historien René Rémond[2], il perdure au sein de la gauche socialiste l'idée du XIXe siècle selon laquelle la guerre est une conséquence du capitalisme qui profite du nationalisme pour produire une division des travailleurs et travailleuses[3] ; à ces idées internationalistes assimilant capitalisme et bellicisme, se greffe une thèse de Lénine, qui développe le concept d'impérialisme, export de la guerre comme seule solution d'expansion du capitalisme. Pour sa part, Léon Trotsky, dans son programme de transition pour une 4ème Internationale, indique que « Le pacifisme est la couverture de l'impérialisme »[4]. Au-delà de ce pacifisme inconditionnel, le marxisme-léninisme forge les notions de « bonne guerre » ou « mauvaise guerre », à la façon des théologiens distinguant guerre juste ou injuste. Les bonnes guerres sont alors celles faites par le peuple, les guerres patriotiques, de libération, ou visant à renverser le capitalisme qui lui est à l'origine des « mauvaises guerres ». À partir de 1936, la même distinction apparaît à droite, « un peu par sympathie pour les régimes autoritaires, beaucoup par crainte d'être précipité dans une guerre par la gauche, pour des motifs idéologiques ». Toujours selon Rémond, les attributs des bonnes ou mauvaises guerres sont inversées : pour une partie de la gauche, seraient bonnes les guerres menées au nom d'idées telles que liberté, affranchissement ou lutte contre les guerres d'intérêt menées par les capitalistes ; tandis que pour une partie de la droite, ces guerres idéologiques, menées au nom d'abstractions telles que solidarité avec les juifs, ou défense de la démocratie contre le totalitarisme sont à rejeter, les bonnes guerres ne devant viser qu'à la défense du territoire, ou à « des réalisations charnelles et substantielles »[réf. nécessaire].

En même temps, apparaît un pacifisme « vitaliste » pour qui la valeur de la vie humaine dépasse toute autre valeur. Ses bases morales et philosophiques sont cependant remises en cause a posteriori, après la Seconde Guerre mondiale, le slogan « plutôt Hitler que la guerre » impliquant l'acceptation de la barbarie et du génocide[5]. L'historien Simon Epstein considère pour sa part le pacifisme des années 1930, classé à gauche de l'échiquier politique, comme « vecteur principal de collaboration », expliquant le revirement de nombreuses personnalités militantes et politiques vers la collaboration pour éviter la confrontation avec l'occupant allemand[6].

Musiciens du groupe Lebenslaute (en) manifestant par un barrage.
Maître Jean-Jacques de Felice, Théodore Monod, le pasteur René Cruse et Yvon Montigné, le , en tête de la marche du Groupe d'action et de résistance à la militarisation, de Lyon au Mont-Verdun contre la force de frappe nucléaire.

Les mouvements pacifistes se sont fortement développés en Europe de l'Ouest (Royaume-Uni, Allemagne de l'Ouest) vers le milieu des années 1970 et surtout au début des années 1980. L'un des événements fondateurs est la mise au point de la bombe à neutrons (1976), qui contribua à ressusciter les « défilés de Pâques[7] », vivaces en Allemagne à la fin des années 1950. De 1979 à 1986, les manifestations pacifistes tournèrent en Allemagne aux manifestations de masse[8]. Dans leur opposition à l'installation des nouveaux missiles américains de portée intermédiaire Pershing II et aux missiles de croisière (dans le cadre des accords SALT II de l'OTAN portant sur l'équilibre avec les missiles SS-20 soviétiques), les pacifistes déployèrent des manifestations spectaculaires accompagnés d'actes de désobéissance civile tels le blocus de bases militaires et de sites de lancement, des campagnes de protestation, etc. En Grande-Bretagne, un mouvement d'origine galloise, Women for Life on Earth («Les Femmes pour la Vie sur Terre»), occupe ainsi la base militaire de Greenham Common (Berkshire) pour protester contre l'installation de missiles de croisière. La base militaire avait été établie au mois de  : les premiers barrages protestataires commencent en avec l'intervention de 250 militantes, dont 34 seront arrêtées[9].

Le pacifisme rassembla très largement, des mouvements chrétiens aux anarcho-syndicalistes. Vers la fin des années 1980, avec la détente qui accompagnait la Perestroïka, le mouvement pacifiste parut s’essouffler[8], mais en Allemagne il reprit des couleurs dès le début des années 1990 en réaction à l'élargissement des prérogatives de la Bundeswehr et l'embrigadement du pays dans la Guerre du Golfe (1991), la Guerre du Kosovo (1999) puis, après les attentats du , l'appel du Président américain George W. Bush à la Guerre contre le terrorisme et surtout la Troisième guerre du Golfe menée en 2003 par les États-Unis, la Grande-Bretagne et leurs alliés contre l'Irak. Pour la seule journée du , plus de 10 millions de personnes se sont mobilisées en un seul jour dans les grandes métropoles mondiales contre la guerre imminente[réf. nécessaire].

L'hiver 2004-05 a été l'un des temps forts pour le mouvement pacifiste en Europe de l'Ouest, opposé à la constitution de l'Union européenne et ses articles portant sur la politique de défense mutuelle : on y critiquait notamment la ratification d'intervention des forces armées européenne dans le monde, l'extension des missions de l'armée européenne et le devoir pour chaque état membre de moderniser son armement (article I-41 de la constitution européenne : « Les États-membres s'engagent à améliorer progressivement leur armement »). Si ce projet de constitution a trouvé très peu d'écho en République Fédérale d'Allemagne, dans les pays voisins de la RFA, surtout au Benelux et en France, il a déchaîné une controverse. Les référendums nationaux en France () et aux Pays-Bas (), où les mouvements pacifistes se rangeaient aux côtés des opposants au projet de constitution, ont dégagé un large vote « non »[réf. nécessaire]..

Pacifisme et antimilitarisme

Proclamation sur le monument aux morts pacifiste de Gy-l'Évêque.

Il est difficile de ne pas voir dans le pacifisme, une forme d'antimilitarisme, transposée à la vie de tous les jours. Un certain nombre d'organismes citoyens s'inspirent de l'antimilitarisme et des perspectives pacifistes pour questionner le recours systématique à la force militaire dans les conflits, s'opposer au recrutement militaire et exiger la consolidation des formes de service civil.

Prévention et médiation

Un très important courant de recherche émerge présentement dans de nombreux domaines des sciences sociales et politiques au niveau de la gestion saine des conflits et de la prévention des conflits violents inspirés de la pensée pacifiste.[réf. nécessaire]

Religions

Au cours des âges, le pacifisme a souvent été motivé par des motifs religieux. Le pacifisme se manifeste chez les premiers chrétiens. Cette pensée est également particulièrement présente dans les églises protestantes : l'exemple des communautés mennonites et quakers constituent des expressions particulièrement engagées de cette préoccupation. Aujourd'hui, l'Église catholique proclame à la suite du Pape Paul VI que « le développement est le nouveau nom de la paix »[10]. À l'inverse, la religion peut également être le motif de conflits pouvant entraîner persécutions et guerres.

Promoteurs

Pacifistes célèbres

Nombreuses sont les personnes connues et reconnues ayant pris des positions pacifistes fermes au cours de l'histoire. Les écrits de ces personnes peuvent inspirer :

Prix Nobel de la paix

Ainsi que tous les individus ou organismes lauréats du Prix Nobel de la paix, parmi lesquels on peut citer :

Nations pacifistes

Le Global Peace Index[15] mesure sur la base d'une vingtaine de critères (notamment l'engagement dans des conflits, la vente d'armes, les dépenses militaires, la transparence du gouvernement, le taux de criminalité…) les pays les plus pacifiques. Un plus petit score signifie un pays plus pacifique.

Classement des pays les plus pacifiques
RangPaysScore
1Islande1,162
2Norvège1,357
3Nouvelle-Zélande1,363
4Danemark1,377
5Irlande1,396
5Japon1,396
6Finlande1,447
7Suède1,478
8Canada1,481
9Portugal1,481
10Autriche1,483
11Belgique1,498
12Allemagne1,523
13République tchèque1,524
14Suisse1,526
15Slovénie1,539
16Chili1.568
17Slovaquie1,571
18Hongrie1,575
19Bhoutan1,611
20Pays-Bas1,620
21Espagne1,633
22Oman1,641
23Hong-Kong1,657
24Uruguay1,661
25Australie1,664
26Roumanie1,682
27Pologne1,683
28Estonie1.684
29Singapour1,692
30Qatar1,702
31Costa Rica1,702
32Corée du Sud1,719
33Italie1,724
34Arabie saoudite1,726
35Vietnam1,729
36Taïwan1,731
37Malaisie1,744
38Émirats arabes unis1,747
39Madagascar1,766
40Ghana1,765
RangPaysScore
41Tunisie1,770
42Botswana1,786
43Lituanie1,788
44Grèce1,791
45Panama1,798
46Koweït1,818
47Lettonie1,848
48Argentine1,873
49Royaume-Uni1,898
50Mozambique1,909
51Chypre1.915
52Maroc1,928
53Zambie1.930
54Chine1,934
55Paraguay1,946
56Gabon1,952
57Tanzanie1,966
58Libye1,967
59Cuba1,968
60Bulgarie1,994
61Kazakhstan1,995
62Bahreïn1,995
63Jordanie1,997
64Namibie2,003
65Sénégal2,017
66Nicaragua2,020
67Croatie2,030
68Malawi2,038
69Bolivie2,052
70Pérou2,056
71Guinée Équatoriale2,059
72Moldavie2,059
73Égypte2,068
74République dominicaine2,071
75Bosnie-Herzégovine2,089
76Cameroun2,093
77Syrie2,106
78Indonésie2,111
79Mexique2,125
80Ukraine2,150
81France2,168
RangPaysScore
82Macédoine2,170
83Brésil2,173
84Serbie2,181
85Cambodge2,197
86Bangladesh2,219
87Équateur2,219
88Papouasie-Nouvelle-Guinée2,223
89El Salvador2,244
90Jamaïque2,251
91Kenya2,258
92Turquie2,282
93Guatemala2,285
94Trinidad et Tobago2,286
95Yémen2,309
96États-Unis d'Amérique2,317
97Iran2,384
98Honduras2,390
99Afrique du Sud2,399
100Philippines2,428
101Azerbaïdjan2,448
102Venezuela2,453
103Éthiopie2,479
104Ouganda2,489
105Thaïlande2,491
106Zimbabwe2,495
107Côte d'Ivoire2,511
108Birmanie2,524
109Inde2,530
110Ouzbékistan2,542
111Sri Lanka2,575
112Angola2,587
113Pakistan2,591
114Liban2,662
115Algérie2,694
116Colombie2,770
117Nigeria2,907
118Russie2,973
119Soudan3,192
120Irak3,267
121Israël3,553

Débats

Critiques

Léon Trotski : « Exploitant l'attachement naturel des masses pour la paix et le dévoyant, les pacifistes petits-bourgeois se transforment ainsi, en définitive, en soutiens inconscients de l'impérialisme »[16].

Jules Guesde considère que les pacifistes bourgeois feignent d'ignorer que la guerre est inhérente au capitalisme[17].

Pour Julien Benda , l'opposition systématique à la guerre par des pacifistes est critiquable ; dans la préface à l'édition de 1946 de La Trahison des Clercs, Julien Benda prend position contre un pacifisme systématique, qui exclut la guerre dans tous les cas. Parlant des « clercs » qui défendent cette théorie, il écrit[18] :

« Nous estimons que le clerc est parfaitement dans son rôle en admettant l’emploi de la force, voire en l’appelant, dès qu’elle n’agit qu’au service de la justice, à condition qu’il n’oublie pas qu’elle n’est qu’une nécessité temporaire et jamais une valeur en soi. »

Dans ses Reflections on Gandhi, George Orwell défendait également une position proche en reprochant aux pacifistes d'« éluder les questions gênantes » et d'adopter « la thèse stérile et malhonnête selon laquelle dans chaque guerre les deux camps représentent la même chose, ce pourquoi il est sans importance de savoir qui gagne. » S'adressant à Gandhi, il écrivait également :

« Et les Juifs ? Acceptez-vous qu'on les extermine tous ? Et sinon, que proposez-vous pour l'éviter, si vous excluez l'option de la guerre ? »

Enfin, selon l'auteur péruvien Mario Vargas Llosa, cette attitude revient à laisser le pouvoir aux dictateurs. Il écrit ainsi dans Les Enjeux de la liberté que[19] :

« Le pacifisme semble être un sentiment altruiste, inspiré par une œcuménique abjuration de la violence et le rêve d'un monde de bon sens, où tous les conflits entre les nations se résoudraient autour d'une table de négociations et où les armes auraient disparu. C'est une belle affabulation, mais celui qui croit que la meilleure façon de la rendre réalité consiste à s'opposer à toutes les guerres pareillement œuvre en vérité pour que le monde soit une jungle dominée par des hyènes et des chacals, et où les brebis seraient exterminées. »

Notes et références

Voir aussi

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Pacifisme.

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Articles connexes

Bibliographie

Vidéos

Émissions de Radio

Liens externes


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