Plan Calcul

plan gouvernemental français destiné à assurer l'autonomie du pays dans les techniques de l'information, et à développer une informatique européenne

Le plan Calcul était un plan gouvernemental français lancé en 1966 par le président Charles de Gaulle sur l'impulsion de Michel Debré et d'un groupe de hauts fonctionnaires et d'industriels, destiné à assurer l'autonomie du pays dans les techniques de l'information, et à développer une informatique européenne.

Historique et objectifs

Contrairement à une légende[1] qui persiste malgré toutes les études sérieuses sur ce sujet[2], ce plan ne faisait nullement suite au refus américain de vendre un superordinateur Control Data au Commissariat à l'énergie atomique en 1965. Depuis la fin des années 1950, le CEA consacrait d'énormes budgets aux calculs de physique nucléaire, et était largement équipé en gros ordinateurs IBM.

L'origine du plan Calcul est en réalité l'affaire Bull : la prise de contrôle par General Electric, en 1964, de la firme française Bull affaiblie face à la domination d'IBM sur le marché informatique. Bull est alors le seul constructeur français d'ordinateurs[3]. Ne souhaitant pas laisser l'informatique en des mains entièrement américaines, les ministres des Finances Michel Debré et des Armées Pierre Messmer proposent en le développement d'une industrie informatique en France. En , le Président Charles de Gaulle et le Premier ministre Georges Pompidou approuvent un tel plan. Celui-ci est décidé officiellement à la suite de l'approbation du rapport de François-Xavier Ortoli, en [3]. Ses objectifs étaient de développer une industrie informatique nationale et d'en faire un élément d'une future industrie informatique européenne[réf. nécessaire].

Le plan Calcul entraîna aussi la création de l'IRIA, grand organisme public de recherche (devenu depuis Inria), et d'une grande compagnie d'informatique privée mais aidée par l'État : la Compagnie internationale pour l'informatique (CII), détenue à 56 % par CSF et la Compagnie Générale d'Électricité, à 33,3 % par Schneider Electric et à 10,3 % par le groupe Rivaud[3]. Contrairement à une légende, ce ne sont pas les applications militaires et scientifiques qui y furent privilégiées, mais les systèmes de gestion[réf. souhaitée]. La CII préfère construire des ordinateurs américains sous licence SDS que créer des modèles français.

Les machines SPS seront déclinées en Iris 80 développées aux Clayes-sous-Bois. La gamme Iris 50 développée conjointement sera "propriétaire". Cette stratégie conduira à disperser les efforts et les moyens[réf. souhaitée]. De plus, son organisation interne laisse à désirer : les embauches ont été trop nombreuses, et les entreprises actionnaires sont historiquement concurrentes[3]. Elle vit essentiellement de subventions et d'achats par les administrations. Ultérieurement, des modèles développés en propre sont construits[4].

En , Thomson-Brandt acquiert la CSF qui devient Thomson-CSF. Une rivalité éclate entre la nouvelle entreprise de Paul Richard et la CGE de Ambroise Roux. En , Thomson-CSF prend l'ascendant décisionnel, et impose Michel Barré comme directeur. La CGE freine alors le projet[3].

Le plan Calcul comportait d'autres volets :

  • un plan Composants visait à accélérer le développement de l'industrie française des circuits intégrés. Il obtint des résultats, mais servit trop souvent de béquille financière aux grands groupes industriels (CGE, Thomson) et fut malencontreusement dilué dans un « plan Électronique civile » ;
  • un vaste effort de formation à l'informatique, à la fois dans l'Éducation nationale et dans divers organismes publics ou privés[5], par la création d'un ensemble de diplômes, la reconnaissance de l'informatique comme discipline scientifique et l'opération des « 58 lycées » à partir de 1972.

En 1971, la CII lança un projet européen qui devait devenir en 1973 Unidata (CII, Philips, Siemens), pour une grande industrie informatique européenne à l'identique d'Airbus dans l'aéronautique. Chacun des trois participants se chargeait de développer une partie de la nouvelle gamme d'ordinateurs compatibles.

Valéry Giscard d'Estaing, élu président en 1974, mit fin au projet en 1975, dans un contexte d'une plus grande place laissée au secteur privé, et du premier choc pétrolier qui laisse moins d'argent pour les subventions. La France dénonça unilatéralement l'accord Unidata et CII fusionna avec Honeywell-Bull. Il supprime également la Délégation générale à l'informatique en 1974[3],[4].

La dotation budgétaire de plan Calcul est restée stable à environ 300 millions de francs (MF) dans les années 1968 à 1974. À partir de 1975, la réorganisation autour de CII-Honeywell-Bull a obligé à faire passer le budget à 2 milliards de francs par an. L'essentiel des subventions publiques à CII-Honeywell-Bull a été versé dans les années 1975 à 1977. À partir de 1978, les aides publiques vont à divers plans de croissance en péri-informatique (avec des industriels comme Logabax, Sagem, CSEE, Intertechnique/IER, Benson) et dans le domaine des logiciels, des bases de données et des usages de l'informatique[6].

Plus tard, le plan informatique pour tous connut un échec sévère[7], et fut le dernier projet ambitieux du gouvernement français en informatique.

Dates clés

  •  : approbation du rapport Ortoli sur le plan Calcul
  •  : création d'un délégué à l'informatique (Robert Galley) rattaché directement au Premier ministre
  •  : création de la Compagnie internationale pour l'informatique (CII) par fusion de CAE (Thomson) SEA (Schneider) et Analac (CSF)
  • 1966 : création de SPERAC (Systèmes et périphériques associés aux calculateurs) entre Thomson et la Compagnie des compteurs.
  •  : création de l'IRIA (Institut de recherche d'informatique et d'automatisme) qui deviendra l'INRIA
  • 1967 : installation de la CII à Louveciennes, dans d'anciens bâtiments de l'état-major de l'OTAN en Europe (SHAPE)
  •  : premier plan Calcul d'une durée de 5 ans
  • Juillet 1967 : sortie du mini-ordinateur français CII 10010
  • Juillet 1967 : fusion de CFTH (Compagnie française Thomson-Houston) et de CSF, Thomson deviendra deux ans plus tard l'actionnaire de référence de la CII.
  • Septembre 1967 : sortie du CII 10020, mini-ordinateur américain construit sous licence.
  • Mai 1968 : le , Robert Galley accède à un poste ministériel, et son adjoint, Maurice Allègre, devient délégué à l'informatique à sa place. Comme son prédécesseur, Maurice Allègre est rattaché à la fois au Premier ministre (pour la promotion des usages de l'informatique) et au ministre de l'Industrie (pour la politique industrielle). Il prend lui-même comme adjoint Michel Monpetit, auquel sera dédicacé le prix Monpetit
  • Juillet 1968 : naissance de l'Iris 50, ordinateur professionnel de taille moyenne conçu en France, succès technique plus que commercial[8].
  •  : la CII présente à la presse le prototype du gros ordinateur Iris 80 dans son usine des Clayes-sous-Bois[9].
  •  : second plan Calcul
  •  : accord entre CII et Siemens pour fonder un consortium nommé plus tard Unidata
  •  : Philips rejoint le consortium
  •  : création officielle d'Unidata annoncée à Amsterdam par Philips, Siemens et CII
  • Mai 1974 : le nouveau ministre de l'Industrie, Michel d'Ornano, confie à son directeur adjoint de cabinet, Claude Kornblum, la tâche de trouver un partenaire américain pour CII. C'est la fin de l'aventure Unidata. Maurice Allègre ne tarde pas à démissionner ; la délégation à l'informatique est remplacée par la direction des industries de l'informatique et de l'électronique (DIELI) dont le 1er directeur est Jean-Claude Pelissolo (1974-1980)
  •  : fusion de CII avec Honeywell-Bull (qui prend donc la 3e place mondiale), la France se retire d'Unidata
  • La suite de l'histoire se confond avec celle de Bull.

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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