Il devient célèbre avec Topaze, pièce créée en Allemagne en 1927 puis présentée au théâtre France en . Il fonde à Marseille en 1934 sa propre société de production et ses studios de cinéma, et réalise de nombreux films avec les grands acteurs de la période (en particulier Raimu, Fernandel et Pierre Fresnay), dont Angèle (1934), Regain (1937) et La Femme du boulanger (1938).
Marcel Pagnol est le fils de Joseph Pagnol (1869-1951), instituteur à Aubagne depuis 1889, laïque et républicain, et d'Augustine Pauline Henriette Lansot (1873-1910), couturière à la santé fragile de confession catholique[2]. Il est l'aîné de trois autres enfants : Paul Pagnol, né en 1898, Germaine, née en 1902 et René, né en 1909. Un frère aîné, Maurice, né le et mort le de la même année, ne sera jamais mentionné dans l'histoire familiale[3].
Marcel Pagnol écrira en incipit de La Gloire de mon père : « Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers » ; il naît dans un appartement du troisième étage d'un immeuble bourgeois dont ses parents étaient locataires, au 16[4] cours Barthélemy[5].
En 1897, le jeune ménage s'établit dans le logement de fonction de l'école de Saint-Loup, à Marseille. Lorsqu'elle va au marché, sa mère laisse Marcel dans la classe de son père, qui a un jour la surprise de le voir capable de lire couramment, alors qu'il n'a que trois ans (sa mère cesse alors de le laisser à l'école avant l'âge obligatoire)[8].
À la rentrée 1900, Joseph est nommé « instituteur titulaire à l'école du Chemin des Chartreux, la plus grande école communale de Marseille »[9] et la famille emménage au 54, avenue des Chartreux. En 1902, les Pagnol déménagent rue du Jardin des Plantes, puis rue Terrusse, dans ce « grand rez-de-chaussée, que complétait un sous-sol, éclairé, sur le derrière, par un petit jardin »[10], où Marcel passera une grande partie de son enfance.
À partir de 1904, inquiet pour la santé d'Augustine, dont les poumons sont fragiles, Joseph décide de louer pour les vacances une « villa dans la colline, juste au bord d'un désert de garrigue qui va d'Aubagne jusqu'à Aix »[11]. La « Bastide Neuve », située à proximité du village de La Treille, à la périphérie de Marseille[12], et les collines qui l'entourent constitueront ce paradis de l'enfance heureuse où se déroulent les plus beaux épisodes des Souvenirs d'enfance, en particulier aux côtés de son ami « Lili des Bellons » (David Magnan, 1898-1918).
Reçu deuxième à l'examen des bourses de Sixième, il entre en 1905 au lycée Thiers[13] où il fait de brillantes études, malgré une vie mouvementée de demi-pensionnaire qu'il racontera dans les deux derniers tomes de ses Souvenirs (Le Temps des secrets et Le Temps des amours). C'est là qu'il commence à écrire des poèmes qui paraissent à partir de 1910 dans la revue Massilia. Il a pour condisciples Codert, treize ans, cancre qui fera fortune dans l'industrie du matériel roulant, qui le prend sous son aile[pas clair], et Albert Cohen avec qui il se lie d'amitié[14].
Il n'a que 15 ans à la mort de sa mère, avec qui il entretenait une relation fusionnelle (« L'âge d'Augustine, c'était le mien, parce que ma mère, c'était moi, et je pensais, dans mon enfance, que nous étions nés le même jour »)[15]. À la suite d'un coup de froid, Augustine meurt « des suites d'une pneumonie aiguë » le , à l'âge de 36 ans. Elle est inhumée au cimetière marseillais de Saint-Pierre, puis à La Treille.
Joseph s'installe alors avec ses enfants au quatrième étage du 117, cours Lieutaud[16]. Le , il se remarie avec Madeleine Julien, veuve qu'il avait engagée pour s'occuper du ménage et qui n'a que huit ans de plus que Marcel. Ce dernier l'accepte mal, au point de se brouiller avec son père[17].
Études supérieures et débuts dans l'enseignement (1913-1922)
Le , il fonde la revue littéraire Fortunio, avec quelques copains du lycée Thiers à Marseille et de khâgne parmi lesquels les écrivains Georges Finaud, Jean Ballard et Yves Bourde, nommé rédacteur en chef[18]. La revue devient ultérieurement Les Cahiers du Sud, dans laquelle il publie quelques poèmes et son premier roman, Le Mariage de Peluque.
En novembre 1916, il obtient une licence de lettres et littératures vivantes (anglais).
Nommé répétiteur d'anglais, il est successivement affecté dans les collèges de Digne (Alpes-de-Haute-Provence), Tarascon[24] (Bouches-du-Rhône), Pamiers (Ariège) et Aix-en-Provence, puis promu professeur adjoint et nommé au lycée Saint-Charles à Marseille, où il exerce de 1920 à 1922. Durant cette dernière période, il écrit deux pièces en vers : Catulle, puis, en collaboration avec Arno-Charles Brun, Ulysse chez les Phéaciens.
Professeur à Paris et débuts en littérature (1922-1927)
En 1922, il est nommé au lycée Condorcet de Paris, comme surveillant d'externat, puis comme professeur adjoint[25],[26]. Il renonce à se présenter à l'agrégation, craignant, en cas de succès, d'être nommé dans une ville de province où il n'y aurait pas de théâtre.
Dès son arrivée à Paris, Pagnol y retrouve Paul Nivoix, ancien directeur de l'hebdomadaire marseillais Spectator devenu rédacteur à Comœdia, « seul quotidien français des Lettres et des Arts ». Grâce à lui, Pagnol entre dans le milieu des jeunes écrivains et du théâtre moderne, et « commence à douter de l'intérêt de ses tragédies grecques et romaines ». En 1924, il publie sous le pseudonyme de Castro, un vaudeville composé avec Nivoix, Tonton (ou Joseph veut rester pur), qui à son grand étonnement remporte un certain succès au théâtre des Variétés. Cela les encourage à écrire leur première pièce de théâtre, Les Marchands de gloire, représentée en 1925 au théâtre de la Madeleine. Cette satire du patriotisme est boudée par le public, de même qu'une seconde pièce, Jazz, donnée en 1926 au théâtre des Arts.
Gloire au théâtre : Topaze et la trilogie marseillaise (1927-1929)
Marcel Pagnol a vu jouer en 1926 à BruxellesLe Mariage de mademoiselle Beulemans et se voit conforter dans sa conviction intime « qu'une œuvre locale, mais profondément sincère et authentique peut parfois prendre place dans le patrimoine littéraire d'un pays et plaire dans le monde entier ». Topaze, satire de l'arrivisme à laquelle il travaille depuis 1923, est créée en Allemagne au théâtre de la Renaissance à Berlin en 1927 puis au théâtre des Variétés la saison suivante et connaît un immense succès avec notamment plus de huit cents représentations à Paris, 1500 en province et l'organisation d'une centaine de tournées mondiales.
En ce qui concerne Marius, le premier volet de la trilogie marseillaise qui suit Topaze, la raison d'un Marcel Pagnol provençal en exil à Paris, nostalgique de Marseille et que son entourage aurait dissuadé d'écrire une pièce marseillaise qui est souvent avancée pour expliquer l'écriture de cette pièce est quelque peu fabulée, et ce même si Pagnol lui-même a pu à l'occasion la mettre en avant. En effet, il existe un grand nombre d'artistes provençaux très en vogue en France depuis l'après-guerre comme Mayol, Tramel, Raimu et bien d'autres et qui depuis plus de 10 ans remplissent les théâtres de France. Le style a très bonne presse et le producteur Oscar Dufrenne s'est fait spécialité de les produire depuis 1914 dans la quinzaine de théâtres qu'il possède dont la moitié est à Paris.
Ainsi, le , Marius pièce en quatre actes et six tableaux, est créée au théâtre de Paris avec Raimu dans le rôle de César. C'est un nouveau triomphe pour un Marcel Pagnol déjà consacré par le succès mondial de Topaze et lui et Raimu se lieront à vie d'une amitié aussi orageuse que sincère.
Séparé de Simonne Collin[21] depuis 1926, il rencontre la jeune danseuse anglaise Kitty Murphy. De leur union naît en 1930 Jacques Pagnol, qui deviendra l'assistant de Marcel après la guerre, puis caméraman pour France 3 Marseille.
Débuts au cinéma (1929-1944)
L'année 1929 est décisive pour sa carrière : il assiste à Londres à la projection d'un des premiers films parlants, Broadway Melody et en est si bouleversé qu'il décide de se consacrer au cinéma parlant.
Pagnol fait la connaissance du directeur de la succursale française de la firme Paramount, Bob Kane, qui lui propose d'acheter les droits de sa pièce Marius cinq cent mille francs. Pagnol refuse, mais accepte de se contenter d'un simple pourcentage sur les recettes à condition que le film soit tourné avec tous les comédiens de la troupe théâtrale (Raimu bien sûr mais aussi Pierre Fresnay dans le rôle de Marius, Fernand Charpin dans celui de Panisse et tous les autres) et sous sa direction. Kane, qui voulait imposer les vedettes en contrat avec sa firme, finit par accepter au début de 1931 mais exige un réalisateur américain. Ce sera Alexander Korda, hongrois émigré aux États-Unis où il a conquis Hollywood (il se fixera ensuite en Angleterre où, naturalisé, il fera une brillante carrière). Sorti le , Marius est l'un des premiers films à succès du cinéma parlant français. Les recettes sont colossales, y compris à l'étranger. Pressé par le public d'en écrire la suite, il livre Fanny, pièce en trois actes et quatre tableaux, créée sur scène en au théâtre de Paris. C'est le deuxième volet de ce qui deviendra la célèbre trilogie marseillaise, dont l'action se passe dans l'ambiance légendaire du Bar de la Marine, sur le vieux port de Marseille. L'adaptation cinématographique, réalisée par Marc Allégret, sort le .
Le , son frère Paul, « le dernier chevrier des collines d'Allauch »[27], à qui il rend souvent visite dans les collines où il a passé avec lui son enfance, meurt à l'âge de 34 ans. Souffrant du « haut mal » (grand mal épileptique), il meurt à l'hôpital de Courtrai (Belgique) après une opération de la dernière chance effectuée par le professeur Émile Eugène Lauwers. Il est inhumé dans le caveau de la famille Pagnol au petit cimetière de La Treille.
Devant le succès de Marius, la Paramount a fait l'acquisition début 1932, sans son accord, des droits d'adaptation de sa pièce Topaze, confiés au réalisateur Louis Gasnier avec comme interprète Louis Jouvet. Pagnol réussit à participer au tournage mais s'estime dépossédé de son œuvre (il tournera plus tard lui-même deux autres versions de Topaze en 1936 avec Alexandre Arnaudy et en 1950 avec Fernandel). Désormais devenu très riche, il décide de devenir producteur et fonde au printemps 1932 à Paris sa propre société de production. Il installe ses studios à Boulogne-Billancourt au bord de la Seine et à Marseille en plein cœur du célèbre quartier du Prado.
En 1932, il rencontre Jean Giono qu'il incite à s'intéresser au cinéma, et dont il adaptera quatre œuvres, pour Jofroi (d'après Jofroi de la Maussan), Angèle (d'après Un de Baumugnes), Regain, La Femme du boulanger (d'après un passage de Jean le Bleu). Il y tourne désormais lui-même ses films. Son premier film en tant que réalisateur est Le Gendre de monsieur Poirier en 1933, suivi de Jofroi en 1933, d’Angèle en 1934, de Merlusse et de Cigalon en 1935 de César en 1936, de Regain en 1937, de La Femme du boulanger en 1938, etc. Il fait jouer les plus grands acteurs français de l'époque Raimu, Pierre Fresnay, Fernandel, amis avec qui il joue à la pétanque entre deux scènes. En 1934, il achète, dans les collines au-dessus du village de La Treille où, enfant, il passait ses vacances, un domaine de vingt-quatre hectares (plus tard agrandi à quarante), dans l'idée d'en faire son « Hollywood provençal ».
Il vit désormais avec Orane Demazis, qui incarnait tous les soirs le personnage de Fanny dans Marius et Fanny, ils ont un fils en 1933, Jean-Pierre Burgart, car Pagnol ne le reconnaît pas. Puis, en 1936, Yvonne Pouperon, sa nouvelle collaboratrice des bureaux de la rue Fortuny à Paris, met au monde une fille, Francine Pagnol. C'est l'année où il fonde la revue Les Cahiers du film, avant de diriger sa propre maison d'édition en 1937.
En 1941, pour réaliser son « ambition de construire, sous le ciel de Provence, la Cité du Cinéma », il fait, sans l'avoir vu, l'acquisition du château de la Buzine avec quelques hectares de prairies au bord du canal. C'est en visitant son domaine huit jours plus tard, qu'il reconnaît « l'affreux château, celui de la peur de ma mère » (Le Château de ma mère) : sa mère s’était évanouie lorsque la famille traversait clandestinement la propriété pour rejoindre la Bastide Neuve, un garde les avait surpris et leur avait fait faire demi-tour. Mais la Seconde Guerre mondiale fait rage. Pagnol doit interrompre ses tournages et vendre ses studios à la Gaumont, tout en restant directeur de production. Ceci lui permet de se dérober aux pressions d'Alfred Greven, président de la Continental (société de production française à capitaux allemands), qui veut lui faire réaliser du cinéma de propagande nazie. C'est donc en tant que directeur de production des Films Marcel Pagnol qu'il produit, en novembre-décembre 1941, le documentaire Français, vous avez la mémoire courte !, réquisitoire contre le communisme et apologie du maréchal Pétain, commandé par le Secrétariat général à l'Information et à la Propagande du régime de Vichy[28],[29]. Son dernier film tourné pendant la guerre, La Prière aux étoiles, reste inachevé et, pour garder la maîtrise de son œuvre, Pagnol détruit la pellicule du film.
Le divorce d'avec Simonne Collin[21] à peine prononcé, Marcel vit avec l'actrice Josette Day, rencontrée en . Leur liaison ne dure que le temps de leur refuge en zone libre, jusqu'à la fin de la guerre. Bien que très lié à Orane Demazis puis à Josette Day, Pagnol n'a été marié ni à l'une ni à l'autre et trois enfants lui sont nés hors mariage (Jacques, Jean-Pierre et Francine). Sa propre mère, Augustine, a accouché d'un premier enfant moins de quatre mois après son mariage. Cela explique sans doute que le thème de l'enfant naturel soit une constante de son œuvre[30].
Il acquiert en 1942 le Domaine de l'Étoile à La Gaude, où il réemploie le personnel de ses studios comme ouvriers horticoles pour la culture d'œillets, afin de leur éviter le Service du travail obligatoire en Allemagne. Cette reconversion spectaculaire inspire à Raimu la boutade suivante : « Si Marcel devient fleuriste, alors moi, je n'ai plus qu'à aller vendre des rascasses ! »
Activités d’après-guerre (1944-1955)
En 1944, Pagnol est élu président de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Chargé de constituer une commission d'épuration, il s'emploie à défendre les nombreux auteurs et artistes ayant continué à travailler pendant l'Occupation sans avoir pris de position ouvertement collaborationniste.
Il épouse en 1945 l'actrice Jacqueline Bouvier, rencontrée en 1938 et qui sera jusqu'à sa mort son « brin de poésie et de tendresse ». Elle tourne dans cinq de ses films. Ensemble, ils ont deux enfants : Frédéric, en 1946, et Estelle, en 1951 (décédée d'une encéphalite en 1954).
La brutale disparition, en , de son ami Raimu est pour lui une douloureuse épreuve : « On ne peut pas faire un discours sur la tombe d'un père, d'un frère ou d'un fils ; tu étais pour moi les trois à la fois : je ne parlerai pas sur ta tombe »[32].
En 1948, il tourne, avec Tino Rossi, La Belle Meunière, « premier film français en couleur réalisé en France par des Français avec un procédé français » (le Rouxcolor, procédé utilisant l'optique au lieu de la chimie, mis au point par deux Français, les frères Roux). C'est un échec retentissant et une perte financière de cinquante millions de francs pour Pagnol. En 1950, il écrit le scénario d'une version modernisée de la nouvelle de Maupassant, Le Rosier de madame Husson, avec Bourvil, acteur alors débutant, dans le rôle d’Isidore. Le film, mis en scène par Jean Boyer, très mal accueilli par la critique, connaît cependant un succès commercial.
Pagnol prend sa vraie revanche deux ans plus tard, en 1951, avec la troisième version de Topaze - au générique, Fernandel (Topaze), Larquey (Tamise), sa femme Jacqueline (Ernestine Muche) - un grand succès unanimement salué par la critique : « Nous avons eu le phénomène Raimu, il existe aussi un phénomène Fernandel », écrit Jean-Jacques Gautier dans Le Figaro.
En 1951, il s'installe à Monte-Carlo[33] dans une somptueuse villa du XIXe siècle en bord de mer, La Lestra, auprès de son admirateur et ami le prince Rainier III de Monaco. En 1954, à la mort de sa fille Estelle, il fuit l'endroit pour revenir à Paris dans un hôtel particulier au square du Bois-de-Boulogne, près de l'avenue Foch, se rapprochant de ses bureaux de la rue Fortuny.
En 1955, à 60 ans, il préside le jury du 8efestival du film de Cannes. Il fait également jouer au festival d'Angers sa traduction d’Hamlet de William Shakespeare avec Jacqueline Pagnol et Serge Reggiani. Puis, le 6 octobre, il fait donner au théâtre de Paris sa tragédie en cinq actes Judas. L'éclairage nouveau, voire d'avant-garde, du personnage, tant il se rapproche de l’Évangile de Judas, est mal perçu par l'ensemble des confessions. L'accueil tout aussi froid réservé à Fabien, comédie en quatre actes qui sort quelques mois plus tard, inciteront Pagnol à mettre un terme à son activité d'auteur dramatique, comme il l'avait déjà fait pour sa carrière de cinéaste.
Écriture romanesque (à partir de 1957)
En 1957, il commence la rédaction de ses Souvenirs d'enfance avec La Gloire de mon père, premier tome qui connaît un immense succès (plus de cinquante mille exemplaires vendus en un mois), dû, entre autres, à la façon dont Pagnol décrit les personnes qui lui sont chères dans le petit monde provençal qui l'entoure, et à la vivacité de ses souvenirs, embellis par le temps et l'imagination. Le deuxième tome, Le Château de ma mère, en 1958, s'inscrit en tête du classement des meilleures ventes de l'année.
Pagnol est alors au premier plan de l'actualité littéraire. Grasset lui réclame sa traduction des Bucoliques de Virgile commencée cinq ans plus tôt. Suivent en 1960, Le Temps des secrets (Le Temps des amours, inachevé, sera publié en 1977 après sa mort), puis en 1962, L'Eau des collines, une version romancée en deux tomes, Jean de Florette et Manon des Sources, de son film de 1951. En 1965, passionné par cette énigme historique, il publie à son compte Le Masque de fer, remanié en 1973 sous le titre Le Secret du masque de fer.
En 1968, il fête les quarante ans de Topaze, son premier succès. La pièce a alors été jouée plus de cinq mille fois depuis sa création.
Pagnol a dit : « Si j'avais été peintre, je n'aurais fait que des portraits ». Peintre de la nature humaine, précurseur du portrait psychologique et de la valorisation de la culture régionale et provençale, il a légué à la postérité des portraits vivants des personnages de son enfance. Auteur comblé, il reçut tous les honneurs de son vivant : le succès, l'argent, la gloire et la reconnaissance des siens.
Dernières années
Durant ses dernières années, Marcel Pagnol essaye de résoudre un problème mathématique auquel se sont heurtés les mathématiciens depuis des siècles, à savoir trouver une formule simple reliant les nombres premiers. Croyant en avoir trouvé une, « [il] a prétendu que n + (n+2) + n(n + 2) est premier pour tout n impair[34] ». Mais cette affirmation est fausse et l'exemple qu'il donne lui-même[a] (287 pour n = 15) n'est pas un nombre premier mais un nombre composé (287 = 7 × 41).
Atteint d'un cancer[36], Marcel Pagnol meurt le , à l'âge de 79 ans, dans sa maison du square de l'Avenue-Foch à Paris. Son corps repose au cimetière marseillais de la Treille, auprès de sa mère et de sa dernière fille Estelle, non loin du caveau de la famille Pagnol où reposent son père et sa seconde femme (Madeleine Julien), ses frères et sœur et leur famille[37]. Sur sa tombe, en guise d'épitaphe, une citation de Virgile : Fontes amicos uxorem dilexit (Il a aimé les sources, ses amis, sa femme)[38].
Sa dernière épouse, Jacqueline, meurt le à 95 ans.
Chronologie
1869 : Naissance de Joseph, son père
1873 : Naissance d'Augustine Lansot, sa mère
1889 : Nomination de son père, Joseph Pagnol, au poste d'instituteur public à Aubagne.
1893 : Joseph épouse Pauline Henriette (dite Augustine) Lansot, le 28 décembre.
1894 : Naissance de Maurice le 2 avril à Aubagne. Mort de celui-ci le 18 août à Aubagne.
1895 : Naissance de Marcel Pagnol le 28 février, au numéro 16 du cours Barthélemy à Aubagne.
1897 : Installation de la famille à Saint-Loup (Marseille).
1898 : Naissance de son frère, Paul Maurice (le Petit Paul) le 28 avril à Marseille (Saint-Loup).
1900 : Déménagement à Marseille où Joseph est nommé à l'école des Chartreux.
1902 : Naissance de sa sœur, Germaine le 2 février à Marseille (54, chemin des Chartreux).
1951 : Naissance de leur fille, Estelle. Le 15 novembre, mort de son père, Joseph Pagnol.
1954 : Mort de leur fille, Estelle, des suites d'une crise d'acétonémie.
1974 : Mort de Marcel Pagnol à Paris le 18 avril.
Appréciation critique
« L'accent ne constitue pas, chez Pagnol, un accessoire pittoresque, une note de couleur locale, il est consubstantiel au texte et, par là, aux personnages. Ses héros le possèdent comme d’autres ont la peau noire. L'accent est la matière même de leur langage, son réalisme. Aussi, le cinéma de Pagnol est tout le contraire de théâtral, il s'insère par l'intermédiaire du verbe dans la spécificité réaliste du cinéma.[...] Pagnol n’est pas un auteur dramatique converti au cinéma, mais l'un des plus grands auteurs de films parlants. »
— André Bazin, Qu'est-ce que le cinéma ? (en 4 volumes), t. II, Le Cinéma et les Autres Arts, 1959, Éditions du Cerf
1939 : Meilleur film étranger pour Regain - New-York Critic's Circle Awards
1940 : Meilleur film étranger pour La Femme du boulanger - New-York Critic's Circle Awards
1950 : Meilleur film étranger pour Jofroi - New-York Critic's Circle Awards
1981 : César d'honneur
Hommages
Le nom de Pagnol a été donné à l'astéroïde 10306 (10306) Pagnol, découvert en 1990.
En 2015, Pagnol était le vingt-deuxième personnage le plus célébré au fronton des 67 000 établissements scolaires français, publics ou privés : 234 écoles, collèges ou lycées ont adopté son nom, après saint Joseph (880), Jules Ferry (642), Notre-Dame (546), Jacques Prévert (472), Jean Moulin (434)[41].
1977 : Les Secrets de Dieu, nouvelle éditée en recueil Œuvres complètes. 12. 3-4[43] ; première édition séparée, Marseille, La Chrysalide, 1983
1984 : L'Infâme Truc et autres nouvelles, recueil d'œuvres posthumes, Julliard
1986 : Les Inédits de Marcel Pagnol, Vertiges du Nord-Carrère, 1987 (ISBN2868043577 et 978-2868043573) ; textes divers écrits entre 1940 et 1960, rassemblés par son fils Frédéric.
Essais
1933-1934 : Cinématurgie de Paris, Les Cahiers du film ; réédition remaniée dans Œuvres complètes, tome III, Éditions de Provence, 1967
1961 : Ambrogiani (l'homme et le peintre), Marcel Pagnol & George Waldemar, Paris, Presses artistiques
1965 : Le Masque de fer, éditions de Provence (remanié sous le titre Le Secret du Masque de fer en 1973), essai historique, Monte-Carlo, Pastorelly
1968 : Les Sermons de Marcel Pagnol, recueil (rassemblés par le père Norbert Calmels), Robert Morel éditeur
1981 : Confidences, essai et préfaces sur le théâtre et le cinéma, Julliard.
Théâtre
1922 : Catulle, drame en 4 actes, en vers, Marseille, Éditions de Fortunio, inédit à la scène
1922 : Ulysse chez les Phéaciens (en collaboration avec Arno-Charles Brun), tragédie en vers, inédite à la scène
1923 : Tonton ou Joseph veut rester pur (en collaboration avec Paul Nivoix), vaudeville sous le pseudonyme de Castro, Marseille, théâtre des Variétés, 30 août 1923
1925 : Les Marchands de gloire en collaboration avec Paul Nivoix, comédie satirique en cinq actes, Paris, théâtre de la Madeleine, 15 avril 1925 ; Paris, La Petite Illustration, 1926
1926 : Un direct au cœur (en collaboration avec Paul Nivoix), comédie, Lille, théâtre de l'Alhambra, mars 1926
1926 : Jazz (premier titre Phaéton), comédie satirique en quatre actes, Monte Carlo, Grand Théâtre, 9 décembre 1926, Paris, théâtre des Arts, 21 décembre 1926 ; Paris, La Petite Illustration, avril 1927
1928 : Topaze, comédie satirique en quatre actes, Paris, théâtre des Variétés, 9 octobre 1928 ; Paris, Fasquelle, 1930
1929 : Trilogie marseillaise I : Marius, comédie en trois actes et six tableaux, Paris, Théâtre de Paris, 9 mars 1929 ; Paris, Fasquelle, 1931
1931 : Trilogie marseillaise II :Fanny, comédie en trois actes et quatre tableaux, Paris, Théâtre de Paris, 5 décembre 1931 ; Paris, Fasquelle, 1932
1946 : Trilogie marseillaise III : César, comédie en trois actes adaptée du film, Paris, Théâtre des Variétés ; Paris, Réalités, 1947
1955 : Judas, tragédie en cinq actes, Paris, Théâtre de Paris, 6 octobre 1955 ; Paris, Théâtre de Paris, 6 octobre 1955
1956 : Fabien, comédie en quatre actes, Paris, théâtre des Bouffes Parisiens, 28 septembre 1956 ; Paris, Paris-théâtre no 115, 1956
Adaptation posthume
1985 : La Femme du boulanger, comédie en quatre actes adaptée du film
Traductions
1944 : Le Songe d'une nuit d'été, pièce de William Shakespeare, traduit de l'anglais, 1947, au Grand Théâtre de Monaco ; Paris, Œuvres complètes, Club de l'Honnête Homme, 1971 (BNF35436780)
1947 : Hamlet, pièce de William Shakespeare, traduit de l'anglais, Paris, Nagel (BNF32628944)
1942 : 海猫の港 Umineko no minato (Le Port aux mouettes), de Yasuki Chiba (93 minutes, 35 mm, noir et blanc). Reprise japonaise de Marius. Sur le port de Karatsu en 1897, alors que le Japon commence à développer son empire d'outre-mer, une famille tient le bar La Taverne de l'ancre. Le fils a une chance unique de s'embarquer, contre l'avis de son père, d'où le dilemme entre les intérêts de l'Empire et la famille[44].
1949 : 春の戯れ Haru no tawamure (« Flirt de printemps »), de Kajiro Yamamoto (109 minutes, noir et blanc), avec Hideko Takamine (Fanny) et Jūkichi Uno (Marius)[45]. Après 風の子 Kaze no ko (L'Enfant du vent), c'est le second film de ce réalisateur sur le thème de l'appel de la mer opposé à celui de l'amour.
1967 : 愛の賛歌 Ai no sanka (« Hymne à l'amour »), de Yoji Yamada (94 min). Cette troisième reprise japonaise, couvrant le scénario des films Marius et Fanny, transpose le drame dans une petite île de la mer intérieure de Seto où les amoureux sont séparés par l'émigration vers le Brésil.
vers 1970 : Version discographique de la bande sonore de la trilogie, avec des commentaires de Marcel Pagnol.
1997 : L'Eau des collines, diptyque composé des adaptations de Jean de Florette et Manon des sources, écrites et dessinées par Jacques Ferrandez, publiées aux éditions Casterman
Depuis 2015 : collection Marcel Pagnol, dans la collection Grand Angle des éditions Bamboo, adaptations de l'œuvre littéraire et cinématographique de Pagnol, écrites par Serge Scotto et Éric Stoffel, dessinées par des auteurs différents selon les tomes.
Nicolas Pagnol, Marcel Pagnol - L'album d'une vie, Éditions Flammarion, 2011 (ISBN9782081258082) - Album regroupant environ 400 photos sur la vie et l’œuvre de Pagnol.